How The Light Gets In : un festival de philosophie et de musique aux idées larges

Quelle est l'ambition du festival HowTheLightGetsIn ?

Hilary Lawson: Le nom du festival est issu d’une chanson de Leonard Cohen, Anthem, affirmant « There’s a crack in everything, that’s how the light gets in » (« Il existe une fêlure en toute chose, de là vient la lumière »). Ces quelques mots résument l’ambition du festival : comprendre le monde en auscultant ses fêlures, hors du champ universitaire, encourager à voir le monde sous un nouveau jour, engager de nouvelles aventures intellectuelles.

HowTheLightGetsIn est un festival de musique et de philosophie. Quels liens ?

L’ouverture de ce festival de philosophie sur la musique tient à une volonté : prendre le contrepied du monde intellectuel, britannique notamment.

J’ignore ce qu’il en est en France mais en Angleterre la philosophie n’est pas prise au sérieux ; on en rit comme d’une blague des Monty Python. Pourquoi ? Parce qu’en réalité les discussions intellectuelles sont faussées par des préoccupations de statut personnel, de positions institutionnelles. Ces prétendus «intellectuels» sont risibles. Les amphithéâtres dans les universités sont eux-mêmes faits pour un donner un statut et de l’autorité aux enseignants et aux lecteurs. Voilà ce que nous voulions éviter : le jargon et le langage technique, qui ne font que masquer les egos de penseurs académiques plus préoccupés par leur statut que par les idées.

Le Festival entend au contraire ménager un espace qui permette à la conversation d’advenir dans des conditions apaisées, propices à des réelles conversations honnêtes et franches, dégagées des arguties sur le sens des mots, affranchies des jeux de pouvoir académiques. La musique permet de créer cette atmosphère : des débats et des échanges le jour ; la fête et la musique le soir, où tous se mêlent et peuvent échanger à bâtons rompus.

Comment est né ce projet ?

Le projet du festival a débuté il y a cinq ans, par accident. Incapable d’écrire dans l’effervescence, à Londres, je vivais retiré près de Hay, au Pays de Galles, où se tient un grand festival de littérature. Là, coupé des tentations de la société, entouré par de vastes espaces, je pouvais me concentrer et travailler. L'idée de créer un festival de philosophie m’est apparue. J’ignorais quel serait le succès de ce projet, l’intérêt qu’il susciterait. Beaucoup prétendaient que personne ne viendrait, car la philosophie est impopulaire. Il s’est avéré au contraire que l'audience du Festival a cru très rapidement ! Pour cette cinquième édition nous espérons attirer quelques 13 000 personnes.

Le thème porte cette année sur « Erreur, mensonges et aventure ». Pourquoi ?

Nous tâchons de choisir des sujets pertinents au regard de l’actualité. Le thème « Erreur, mensonges et aventure » sied bien non seulement à l’idée générale du Festival – progresser en identifiant nos erreurs et nos mensonges, en repérant ce que l’on peut améliorer, bref créer une aventure de la pensée –, mais aussi à l’actualité sociale et politique.

Beaucoup de discussions en Angleterre portent en effet sur la façon dont nous nous mentons, dont nous manquons de franchise. Les jeux de pouvoir institutionnels et académiques, qui sont aussi des exercices de mensonge, en attestent. Les politiciens aussi sont la cible de beaucoup de critiques ; l’opinion nourrit envers eux une grande suspicion.

Mais une question philosophique beaucoup plus profonde, sur la nature du mensonge et sur la possibilité de l’éviter, sous-tend cette édition. Elle a peu été posée depuis que nous sommes entrés dans l'ère « postmoderne » et relativiste, soutenant que, dans le monde ouvert qui est le nôtre, une vérité établie et fondée sur des preuves n’a plus de sens. Dans cet univers dépourvu de vérité objective nous sommes perdus. Pour retrouver du sens, je crois qu'il nous faut à présent décider, distinguer ce qui importe et ce qui fonctionne, bref nous orienter en distinguant l’erreur et le mensonge de la vérité, traçant ainsi un chemin possible pour un progrès, après le postmodernisme.
 

Qu’espérez-vous du festival ?

450 évènements se tiennent cette année. Espérons que le festival élargisse et bouscule progressivement l’espace culturel en Grande-Bretagne, que la tradition européenne de la conversation puisse être un antidote au « marketing de la célébrité » soutenu par les médias. Au Festival, nous invitons les intervenants pour la valeur de leurs idées plus que pour leur notoriété.
 

HowTheLightGetsIn, du 23 mai au 2 juin 2013 à Hay-on-Wye (Pays de Galles)

La cinquième édition du festival, organisée par l'Institute of Arts and Ideas (IAI) a pour thème: « Error, Lies and adventure »

Informations complémentaires sur le site du Festival