God Save the Print

« Bon, alors voilà qu’on fait les mendiants, sauf que ça s’appelle du crowdfunding. Avec un d après le crow, comme me l’ont fait remarquer mes camarades qui ne sont pas très charitables avec mon accent british (au demeurant très pur, avec une pointe de corso-suédois). Mais je passe, c’est pour la bonne cause, Philomag fait peau neuve, a besoin de vous, et je vous explique pourquoi.

Depuis, avec et grâce, peut-être, à la pandémie, nous avons changé notre rapport à vous, lecteurs, et cette newsletter en témoigne. Nous avons choisi, sans d’ailleurs le formuler aussi nettement à l’origine, de nous adresser à vous sur un ton plus personnel, j’ose dire plus amical, plus direct. Carte blanche à chacun d’entre nous, avec ses envies, ses obsessions, ses idiosyncrasies que vous retrouvez dans notre lettre du jour. Puisque vous nous lisez, c’est sans doute que cette conversation amicale ne vous paraît pas incongrue.

Si je fais ce détour par notre intervention quotidienne, c’est qu’elle est un révélateur. Révélateur pour vous de ceux qui composent la rédaction de Philosophie magazine, révélateur pour nous du contrat tacite qui nous lie à vous : dans la newsletter, on s’expose, on ne bluffe pas, on ne fait pas (trop) le malin, on partage sa pensée – au moins on essaye d’en avoir une – et tant pis si c’est parfois un peu acrobatique. Il y a en somme un contrat de confiance analogue à celui qui doit exister entre des amis. Certes, ce contrat semble inégal puisque nous écrivons et vous lisez, mais le fait est qu’au fil des jours, des semaines, des mois et maintenant des années, comme on le dit de la noblesse, il nous oblige. À quoi ? Disons à une forme de cette amitié dont le philosophe Giorgio Agamben dit qu’elle “est si étroitement liée à la philosophie que l’on peut dire que sans elle, la philosophie ne serait pas possible”. Qu’est-ce qu’un ami ? C’est quelqu’un avec qui on a plaisir à chercher la vérité. Que serait une newsletter (et avant tout un magazine et son site) consacrée à la philo qui ne porterait pas cet espoir, ce désir en étendard ? Un pet de licorne, du vent. Bref, tant que vous aurez plaisir à chercher avec nous, que demander de plus ?

Euh, si, quand même. Avec cela, je ne vous ai pas vanté notre crowdfunding. Et voilà l’estocade finale. Vous ne liriez pas de la même manière nos élucubrations individuelles si elles ne s’appuyaient sur l’œuvre collective que représente un magazine de philosophie indépendant. Et l’indépendance aujourd’hui, c’est rare, et tout ce qui est rare... Je vous épargne les sept plaies d’Égypte, prix du papier en tête, qui menacent la presse, mais voilà le message : notre magazine prépare une nouvelle formule (foi d’alchimiste !) et si vous pouvez/voulez nous soutenir, il y a plusieurs manières de le faire. Je vous présente les deux extrêmes.

1) L’option Diogène, juste un message : “Les gars, vu le prix du m2 à Athènes, rien qu’avec mon tonneau, je suis rincé. Bon vent, je vous soutiens, mais en attendant marchez à l’ombre.”

2) L’option Sénèque, royal au bar : “Alors il faut bien le dire, l’Empire ne rapporte plus comme avant, mais allez, je prends un abonnement à vie. Vu l’humeur de Néron, l’investissement pour vous n’est pas énorme, mais après tout je suis stoïque.”

— Ah, si je comprends bien, philosopher, c’est apprendre à taper du pognon ?

— Franchement, je vous trouve cynique… »

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