Le Japon à l’heure de la catastrophe

Ce 15 mars, il est impossible de savoir quelle ampleur va prendre l’accident nucléaire de Fukushima. Le bilan du tsunami qui a frappé l’archipel japonais vendredi dernier est lui-même indéterminé. Cependant, c’est au cœur de cette situation où le futur est imprédictible, que notre collaborateur Adrien Barton – qui vient de passer une année à l’université de Kyoto, comme chercheur en postdoctorat sur la philosophie du risque – a contacté un philosophe et deux psychologues japonais, spécialistes du comportement, de la décision et du risque. Au cours d’un chat (moyen de communication que nous avons préféré au téléphone, en raison des nombreuses coupures du réseau), le professeur Takayuki Sakagami rapporte les événements et l’attitude qu’il a adoptée, surprenante de calme. De son côté, le jeune chercheur Hidehito Honda analyse la perception du risque et sa communication pendant la crise. Enfin, le philosophe Tetsuji Iseda évoque le danger nucléaire, – dans un archipel où les souvenirs d’Hiroshima et de Nagasaki, en 1945, sont restés vivaces –, et analyse la configuration inédite de cet enchevêtrement de risques naturels et technologiques.

DE : Takayuki Sakagami

Objet : le tremblement de terre

Date : entre 22 h 06, le 14 mars, et 00 h 36, le 15 mars (heure locale)

> S’ouvrir à une passivité absolue

> Adrien Barton  Bonjour, professeur Sakagami, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Où étiez-vous vendredi dernier lors du tremblement de terre, et qu’avez-vous ressenti au moment des secousses ?

> Takayuki Sakagami  J’étais dans mon bureau à Tokyo, et je me suis tout d’abord senti un peu étourdi, comme si j’avais le mal de mer. Un mouvement long et profond. C’était vraiment étrange, car mon bureau est au sous-sol, et donc généralement nous ressentons moins les secousses à cet endroit. Je me suis donc dit qu’il devait s’agir d’un très grand tremblement de terre. C’était effrayant.

> A. B.  Comment avez-vous réagi ?

> T. S.  Quelques secondes après le début, je me suis caché sous mon bureau. Mais le mouvement continuait et ne cessait de s’accentuer. Quelques livres sont tombés autour de moi. Je sentais que ma vie était en danger.