“L’École de la vie. Érotique de l’acte d’apprendre”, de Maxime Rovere

Qu’est-ce qu’enseigner ? C’est une affaire de présence : un jour, quelqu’un, face à vous, sans que vous sachiez pourquoi, a aimanté votre attention comme si vous reconnaissiez en lui quelque chose de vous-même, et qui vous élève. C’est une histoire de corps dans des lieux que l’on croit dédiés à la vie de l’esprit. Dans son dernier livre, L’École de la vie (paru chez Flammarion), le philosophe Maxime Rovere n’hésite pas à défendre une « érotique de l’acte d’apprendre ». Tandis que l’école à distance fait plus que jamais débat,  la proposition est… séduisante.

Quelle est la thèse du livre ?

• La relation d’apprentissage, à l’école ou dans la vie, est une relation « magique » de désir et d’amour. C’est le « grand tabou » de la réflexion sur l’école : « Le corps enseignant et l’hôpital public sont les deux plus grandes forces d’amour qui se soient jamais organisées sur Terre. »
• En partant d’une description concrète de la salle de classe, il renverse l’image du « prof démiurge » transmettant un savoir achevé à des êtres vides. Car, en réalité, les vrais savoirs se constituent dans les interactions entre profs et élèves, et entre élèves, chacun avec ses « brèches », c’est-à-dire avec ses difficultés intimes et existentielles dont les savoirs abstraits peuvent permettre de, justement, s’abstraire. Il s’agit de remplacer des émotions plus ou moins douloureuses par des problèmes. 
• Apprendre, c’est donc apprendre à interagir. La « fonction maître » implique une présence neutre et une attention indifférenciée à tous. Le but n’est pas de comprendre mais d’apprendre à « faire confiance aux problèmes ». 
• Conclusion : « Les contenus n’ont qu’un rôle tout à fait secondaire dans la vie des savoirs […]. Seules importent les procédures et, dans les procédures, les formes d’une liberté sans cesse à réinventer. »

L’École de la vie, de Maxime Rovere (Flammarion, 2020).

Pourquoi c’est intéressant !

• Oublié les sempiternels débats sur le rôle idéal de l’école. En interrogeant « l’acte d’apprendre », Rovere ne met au centre de sa réflexion ni le contenu des disciplines ni même l’élève, mais le prof, l’art d’enseigner et… l’ignorance.
• Cela n’empêche pas de reprendre les problèmes des violences sociales, de la discipline, de l’autorité et de l’émancipation. Par exemple, si l’autorité, comme force de contrainte, est indispensable, celle-ci n’a rien à voir avec la fonction d’enseigner : « Le respect que l’on doit à un prof est structurellement différent du respect que l’on doit à un flic. »
• Enfin, quelques affirmations et questions provocantes… Par exemple : « Quoi apprendre d’un mauvais prof ? », ou bien « Ce qu’on apprend à l’école n’est pas du tout la clé de la réussite, ni un tremplin pour l’avenir, et encore moins la pierre de touche du mérite ou de la valeur sociale d’un individu. Je ne vois pas de raison de mentir sur ce point aux jeunes qui n’aiment pas l’école. »