Bac philo : que retenir de ce cru 2023 ?

Absentéisme des dernières semaines, salles vides, pronostics désabusés… On ne peut pas dire que le baccalauréat de philosophie ait angoissé beaucoup d’élèves cette année. Cependant, les sujets proposés assumaient à leur manière une nouvelle façon de clore l’année de terminale en s’ouvrant au monde actuel.

● Pas de piège mais quelques sujets ardus

Par rapport à l’année 2022, les sujets proposés étaient peut-être plus classiques, avec des grandes notions identifiables : le bonheur et la raison (dissertation 1 en filière générale), l’art, la nature et la technique (dissertation 1 et dissertation 2 en filière technologique). Le second sujet de dissertation en filière générale était sans doute le plus difficile, car il faisait intervenir, outre une notion au programme (la justice), un concept que les élèves n’ont pas forcément rencontré au cours de l’année : la paix.

Quant aux textes, sans représenter des pièges, ils ont certainement surpris certains élèves. Côté filière générale, l’extrait de La Pensée sauvage, de Claude Lévi-Strauss, parlait en effet de… bricolage ! Tandis que celui de la filière technologique, extrait de Théorie des sentiments moraux d’Adam Smith avait un thème classique (la responsabilité humaine) mais une construction assez déroutante, qui tourne autour d’une expérience de pensée dont il n’était pas aisé de dégager la structure générale.

● Derrière les notions, des sujets d'actualité

Chacune des filières était invitée à traiter un sujet de dissertation assez traditionnel ou intemporel, et un sujet en lien avec l’actualité, susceptible de questionner l’élève de manière plus directe. Cet ancrage dans le quotidien pouvait être un piège (donner son opinion, rester dans l’anecdotique…), mais également une opportunité formidable de prendre le sujet de dissertation non pas comme un exercice formel de bachotage, mais comme un véritable exercice de réflexion.

Ainsi, se demander « Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? » comme l’ont fait les élèves de filière générale, c’est par exemple déjà se poser la question de la guerre en Ukraine, ou bien de la dissolution du mouvement écologiste radical Les Soulèvement de la Terre, ou encore plus généralement de la violence larvée qui couve dans les sociétés inégalitaires. De même, un élève de filière technologique qui se demande « Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ? » pourra être tenté de lier le sujet à la question du réchauffement climatique ou de l’abdication partielle de notre liberté aux algorithmes et aux écrans. Idem, enfin, pour le texte d’Adam Smith (filière technologique), qui faisait écho à divers faits divers mettant en cause la responsabilité pénale des citoyens et la négligence des individus dans une société organisée, par exemple en matière de consommation de stupéfiants pouvant avoir de graves conséquences.

Ces sujets auront peut-être donné aux bacheliers le courage de prendre au sérieux le sujet et d’en formuler les enjeux de manière claire. D’ailleurs, même les plus classiques pouvaient sans peine être relié à des tendances observables dans le quotidien médiatique. Par exemple, les élèves de filière générale pouvaient se demander si l’essor de la psychologie positive et du coaching n’étaient pas des réponses contemporaines à leur énoncé : « Le bonheur est-il affaire de raison ? »… et ce faisant, être amenés à identifier les limites de ces discours.

● Un bac philo repensé ?

Replacer le bruit médiatique et leur propre expérience individuelle dans le cadre d’une réflexion philosophique conceptualisée : voilà sans doute le sens de l’épreuve de philosophie, en dépit de sa perte d’importance dans la nouvelle mouture du baccalauréat. Si certains sujets invitent au bachotage de manière terriblement tentante – « L’art nous apprend-t-il quelque chose ? » en fait partie, d’autres, au contraire, étonnent par leur formulation et obligent à un temps d’arrêt. Certaines années, les formulations alambiquées des sujets pouvaient être nuisibles à la réflexion ; il semble qu’en 2023 les expressions employées (« vouloir la paix », « gagner en liberté ») étaient de véritables invitations à s’approprier l’énoncé.