Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

© iStockphoto

Bac philo 2023

Corrigés du bac philo – filière générale : Claude Lévi-Strauss, “La Pensée sauvage”

Frédéric Manzini publié le 14 juin 2023 5 min

Quelle est au fond la différence entre un bricoleur et un ingénieur ? C’est la question à laquelle s’attelle le philosophe et anthropologue Claude Lévi-Strauss dans le texte qui a été soumis aux candidats du baccalauréat général cette année. Dans cet extrait issu de La Pensée sauvage, publié en 1962, Lévi-Strauss redonne ses lettres de noblesse à l’activité de bricolage, dépréciée par un Occident qui survalorise plutôt l’intellect et l’abstraction. Attention, le plan et la réponse suivante sont une proposition de correction : il s’agit ici de pistes possibles de traitement du sujet et non de la copie-type attendue par les correcteurs !

 

➤ Abonnez-vous à Philosophie magazine pour avoir accès à toutes nos archives Bac Philo, ainsi qu'à notre magazine, nos hors-séries et nos modules Expresso, qui permettent d'apprendre la philosophie de manière simple et interactive !

 

 

  • Principales notions mobilisées par le sujet : raison, technique
  • Auteur : Claude Lévi-Strauss

Texte fourni

« Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils, conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord”, c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures. L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas définissable par un projet (ce qui supposerait d’ailleurs, comme chez l’ingénieur, l’existence d’autant d’ensembles instrumentaux que de genres de projets, au moins en théorie) ; il se définit seulement par son instrumentalité, autrement dit et pour employer le langage même du bricoleur, parce que les éléments sont recueillis ou conservés en vertu du principe que “ça peut toujours servir”. De tels éléments sont donc à demi particularisés : suffisamment pour que le bricoleur n’ait pas besoin de l’équipement et du savoir de tous les corps d’état ; mais pas assez pour que chaque élément soit astreint à un emploi précis et déterminé. Chaque élément représente un ensemble de relations, à la fois concrètes et virtuelles ; ce sont des opérateurs, mais utilisables en vue d’opérations quelconques au sein d’un type. »

Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage (1962)

Introduction avec plan du texte

« Bricoleur du dimanche », « C’est du bricolage ! », etc. Nous avons tendance à déconsidérer la pratique du bricolage et à n’y voir qu’un simple loisir, voire un passe-temps très inférieur à d’autres activités plus intellectuelles donc plus nobles. Dans son essai La Pensée sauvage, le philosophe et anthropologue Claude Lévi-Strauss remet en cause cette dévalorisation en opposant la figure du bricoleur et celle de l’ingénieur, non pour les hiérarchiser mais pour montrer que chacune a sa propre manière de penser et de travailler : une logique rationnelle et programmatique d’un côté, une forme d’intelligence plus pratique de l’autre. Le texte est organisé en deux grands mouvements : dans un premier temps (du début jusqu’à « les résidus de constructions et de destructions antérieures »), l’auteur cherche à établir la différence des univers mentaux du bricoleur et de l’ingénieur. Dans un second moment (à partir de « L’ensemble des moyens du bricoleur »), Lévi-Strauss traite des moyens spécifiques dont ces deux figures se servent.

1re différence : un univers mental ouvert ou clos

Dans la première partie du texte, Claude Lévi-Strauss distingue le bricoleur de l’ingénieur en montrant la différence entre leurs univers mentaux respectifs.

  • L’ingénieur part de son projet, et c’est relativement à lui qu’il va ensuite se procurer les moyens de le réaliser. Prenons un exemple pour rendre la thèse de Lévi-Strauss plus concrète : quand un ingénieur est chargé de la construction d’un pont, il va d’abord concevoir le projet puis passer commande à des usines pour qu’elles lui fournissent un nombre déterminé de pièces (pour fabriquer les piliers, le tablier et les haubans) précisément calibrées selon ses exigences et ses calculs, quitte à les faire fabriquer sur mesure pour l’occasion. Son horizon mental est donc ouvert, au sens où il peut librement imaginer toutes les options possibles, à partir de rien ou presque : faire un pont en bois, en métal, en béton, etc., sans autre a priori que le projet qu’il s’apprête à élaborer. Son intelligence est programmatique.
  • Le bricoleur, en revanche, doit « toujours s’arranger avec les “moyens du bord” », écrit Claude Lévi-Strauss – c’est-à-dire qu’il va devoir faire avec ce qu’il a en stock, dans son atelier, et s’adapter à ce dont il dispose. Bien sûr, peut-on objecter, ce n’est pas toujours vrai puisqu’il peut arriver qu’une pièce manque et que le bricoleur doive se rendre dans un magasin de bricolage pour compléter ce dont il a besoin. Mais dans ce cas, ce n’est plus tout à fait du bricolage puisque l’essence de celui-ci consiste à faire avec ce qui est déjà là, quitte à détourner un objet de l’usage pour lequel il était destiné pour l’ajuster au mieux. Par exemple, s’il lui manque une cheville en nylon pour poser une vis, le bon bricoleur va être capable d’improviser et d’en fabriquer une lui-même à partir d’un morceau de bois qu’il aura récupéré et retaillé pour l’occasion. Son horizon mental est donc « clos » dans la mesure où il doit trouver une solution avec ce qu’il a déjà. Il invente tout en faisant concrètement, avec ce qu’il a sous la main.

2e différence : des moyens

Cette première différence entre le bricoleur et l’ingénieur est liée à une deuxième, qui concerne les moyens dont disposent respectivement l’ingénieur et le bricoleur.

  • L’ingénieur procédant toujours par commandes, l’ensemble de ses moyens est défini par ses projets ; autrement dit, chaque nouveau projet exige de nouveaux moyens à mobiliser. Il a la maîtrise totale de ses fournitures. L’ingénieur n’emmagasine donc pas un stock de matériaux et n’a pas d’atelier : tout au plus a-t-il un bureau d’études, car il réfléchit de manière abstraite.
  • Tout bricoleur, au contraire, dispose d’un atelier dans lequel il a accumulé au cours des années passées des outils plus ou moins vieux, des vis et des clous divers, des chutes de bois, etc., bref, ce que Lévi-Strauss appelle « un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus »… pour ne pas dire un grand bazar ! Ces objets, autrement dit ces « moyens », ne sont ainsi pas définis par un projet quelconque mais répondent à ce que Lévi-Strauss appelle « l’instrumentalité », c’est-à-dire leur capacité à pouvoir être utilisés. C’est ce qu’il appelle le « principe que “ça peut toujours servir” » : phrase typique du bricoleur – et qui peut agacer profondément ceux qui sont étrangers à cette manière de penser quand ils ne visualisent pas l’intérêt de conserver tel ou tel objet. Et ils ont raison, d’une certaine façon : le bricoleur ne le sait pas lui-même, mais il maintient à titre simplement virtuel la possibilité que la chose en question puisse éventuellement servir… ou pas (car il est évidemment possible qu’elle ne soit au final jamais employée).

Conclusion

En essayant de comprendre l’état d’esprit du bricoleur, Claude Lévi-Strauss n’entend pas seulement redonner ses lettres de noblesse à l’activité de bricolage. Remis dans le contexte plus général de La Pensée sauvage, il veut aussi montrer que la manière hyper-rationaliste dont l’Occident survalorise l’intellect et l’abstraction ne rend pas justice à d’autres manières de penser, plus concrètes mais infiniment plus subtiles et plus exigeantes qu’il n’y paraît.

 


Retrouvez l’ensemble des corrigés de l’épreuve du Bac philo 2023 :

➤ Filière générale :

1. Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?

2. Le bonheur est-il affaire de raison ?

3. Commentaire de texte : Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage

➤ Filière technologique :

1. L’art nous apprend-il quelque chose ?

2. Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ?

3. Commentaire de texte : Adam Smith, Théorie des sentiments moraux

 

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le beau
​Peut-on détester une œuvre comme « La Joconde » ? Les goûts et les couleurs, est-ce que ça se discute ? À travers cet Expresso, partez à la découverte du beau et du jugement du goût avec Kant.

​
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Bac philo
5 min
Corrigés du bac philo – filière technologique : “La technique nous libère-t-elle de la nature ?”
Apolline Guillot 17 juin 2021

Mort, maladies, catastrophes… La technique nous prémunit, au moins en partie, des agressions de la nature. En ce sens, elle nous émancipe…

Corrigés du bac philo – filière technologique : “La technique nous libère-t-elle de la nature ?”

Bac philo
9 min
Corrigés du bac philo – filière technologique : Sigmund Freud, “Le poète et l’activité de fantaisie”
Aïda N’Diaye 17 juin 2021

Le poète est-il un être hors-norme ? Non, répond Freud, qui s’oppose au mythe du génie dans ce texte proposé au commentaire lors de l’épreuve…

Corrigés du bac philo – filière technologique : Sigmund Freud, “Le poète et l’activité de fantaisie”

Bac philo
5 min
Corrigés du bac philo – filière générale : “L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?”
Apolline Guillot 17 juin 2021

L’inconscient échappe par définition à la conscience. Mais n’y a-t-il pas malgré tout des moyens, directs et indirects, d’accéder à une forme de…

Corrigés du bac philo – filière générale : “L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?”

Article
2 min
Bac philo 2013 : les corrigés de la filière technologique
18 juin 2013

Vous étiez quelques 670 000 candidats à passer l'épreuve de philosophie, pour la session 2013 du baccalauréat. À Philosophie magazine, des profs…

Bac philo 2013 : les corrigés de la filière technologique

Article
2 min
Bac philo 2019: filière technologique, les sujets et les corrigés
13 juin 2019

Vous êtes plus de 500 000 candidats à passer l'épreuve de philosophie, pour la session 2019 du baccalauréat. À Philosophie magazine, des profs…

Bac philo 2019: filière technologique, les sujets et les corrigés

Article
1 min
Bac philo 2018: filière technologique, les sujets et les corrigés
15 juin 2018

Vous êtes près de 500 000 candidats à passer l'épreuve de philosophie, pour la session 2018 du baccalauréat. À Philosophie magazine, des profs…

Bac philo 2018: filière technologique, les sujets et les corrigés

Bac philo
2 min
Bac philo 2017: filière technologique, les sujets et les corrigés
15 juin 2017

Vous êtes près de 500 000 candidats à passer l'épreuve de philosophie, pour la session 2016 du baccalauréat. À Philosophie magazine, des profs…

Bac philo 2017: filière technologique, les sujets et les corrigés

Article
2 min
Bac philo 2016: filière technologique, les sujets et les corrigés
15 juin 2016

Vous êtes 499 763 candidats à passer l'épreuve de philosophie, pour la session 2016 du baccalauréat. À Philosophie magazine, des profs planchent…

Bac philo 2016: filière technologique, les sujets et les corrigés

À Lire aussi
Corrigés du bac philo – filière technologique : “Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ?”
Corrigés du bac philo – filière technologique : “Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ?”
Par Mathias Roux
juin 2023
Corrigés du bac philo – filière générale : Émile Durkheim, “De la division du travail social”
Corrigés du bac philo – filière générale : Émile Durkheim, “De la division du travail social”
Par Mathias Roux
juin 2021
Corrigés du bac philo – filière générale : Antoine-Augustin Cournot, “Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique”
Corrigés du bac philo – filière générale : Antoine-Augustin Cournot, “Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique”
Par Frédéric Manzini
juin 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Corrigés du bac philo – filière générale : Claude Lévi-Strauss, “La Pensée sauvage”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse