"Faire cuire un journal créativement" : l'édito d'Alexandre Lacroix

Tout beau, tout chaud ! Vous tenez entre les mains une nouvelle formule de Philosophie magazine. Elle doit beaucoup à vos contributions, nombreuses, à notre campagne de financement lancée sur Ulule : nous vous adressons donc un grand merci !

Certains fondamentaux n’ont pas bougé depuis notre premier numéro, en 2006.

D’abord, la ligne éditoriale, que nous réaffirmons : nous proposons d’éclairer l’actualité du monde et de nos vies par la philosophie.

Ensuite, l’indépendance : nous n’appartenons à aucun groupe de presse. Nous n’avons pas d’agenda politique et nous nous tenons à l’écart des idéologies et des chapelles. Cela ne signifie pas que tous nos articles sont neutres, ou que nous ne publions pas de points de vue engagés, mais que nous nous efforçons nous-mêmes de prendre du recul, de donner la parole à des positions variées et surtout de garder le sens de la nuance !

La nouveauté du magazine que vous venez d’ouvrir tient principalement à deux choses.

D’abord, nous proposons une partie intitulée « Cheminer dans l’existence ». Elle s’ouvre avec un dilemme éthique commenté par Charles Pépin et se clôt avec une chronique d’Étienne Klein. Cette partie a vocation à traiter des grandes questions qui traversent nos vies, dans une démarche qui se démarque à la fois de la psychologie et du développement personnel. Des exercices spirituels antiques à l’existentialisme en passant par Montaigne, les philosophes n’ont eu de cesse d’écrire sur les passions, le passage du temps, ou encore la vulnérabilité de l’humain et le sentiment de l’absurde. Dans ce numéro, nous vous invitons à découvrir notre réceptivité aux paysages sonores et les sources de la mélancolie.

Par ailleurs, nous avons éprouvé le besoin de nous donner davantage de liberté : d’un numéro sur l’autre, nous allons varier les formats dans chaque partie, proposer des entretiens d’approfondissement sur l’actualité ou encore des reportages et des débats dans les pages réservées aux idées. Dans ce numéro, vous découvrirez une enquête sur le projet politique de Jordan Bardella ainsi qu’un étonnant essai inédit d’Edgar Morin.

Mais il y a au fil des pages bien d’autres surprises : des cartographies, une section « Livres » plus dynamique pilotée par Martin Legros, des chroniques de nos collaborateurs Anne-Sophie Moreau et Michel Eltchaninoff, une page de philosophie pour enfants, une nouvelle bande dessinée d’Anouk Ricard…

Dans un texte de 1970 intitulé « Vivre créativement », le psychanalyste britannique Donald Winnicott explique qu’il y a deux manières de faire cuire les saucisses. La première est de se soumettre à un protocole en se fiant à une autorité extérieure ; de nos jours, ce serait un tutoriel. La seconde méthode consiste à faire cuire les saucisses directement. Le résultat est plus aléatoire, mais l’expérience tellement plus intense et originale ! « Quand on se surprend soi-même, remarque Winnicott, on est créatif et on s’aperçoit qu’on peut faire confiance à cette originalité qu’on a en soi. » C’est dans cet esprit que nous souhaitons concocter notre sommaire désormais : non pas remplir des cases prédéfinies mais nous efforcer de nous réinventer à chaque numéro, en suivant notre inspiration et en mettant directement les articles que nous avons envie d’écrire sur le feu.

L’absence de soumission à une quelconque autorité, fût-elle celle du grand Marmiton, la liberté, n’est-ce pas ce qui permet de penser créativement ?