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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Jean-Claude Michéa. © Vincent Nguyen/Figarophoto

Entretien

Jean-Claude Michéa : “Orwell, un antidote à tous les délires idéologiques”

Jean-Claude Michéa, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 25 février 2021 11 min

 

 

Longtemps en butte aux calomnies des intellectuels communistes orthodoxes, George Orwell est à présent communément salué pour la lucidité de sa vision politique. Le philosophe Jean-Claude Michéa met toutefois l’accent sur le conformisme des « nouveaux mandarins » de l’intelligentsia de gauche libérale. Plutôt que l’antitotalitarisme bien connu d’Orwell, Michéa choisit de mettre en exergue sa pensée socialiste souvent occultée, et son appel aux vertus morales et intellectuelles des « gens ordinaires ». Portrait d’un « esprit libre ».


 

Il plaît aux jeunes qui découvrent 1984 comme aux lecteurs âgés, aux gens de droite comme de gauche… Il inspire les groupes de rock, les concepteurs de jeux vidéo mais aussi les professeurs de littérature. Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui, tout le monde aime George Orwell ? 

Jean-Claude Michéa : Je nuancerais l’idée qu’« aujourd’hui, tout le monde aime George Orwell ». Ce serait oublier les campagnes de calomnies dont il reste régulièrement la cible dans une partie de la gauche. Je pense par exemple à celle orchestrée par le quotidien The Guardian en 1996, puis à nouveau en 2003, qui ne visait rien moins qu’à présenter Orwell comme un délateur professionnel ! Il est du reste significatif que le principal artisan de cette campagne de désinformation – campagne non moins significativement relayée, à l’époque, par Libération, Le Monde et France Culture – soit ce même Seumas Milne, auquel Jeremy Corbyn n’a pas hésité à confier en 2015, entre autres tâches pour le moins curieuses, celle de purifier le Labour Party de toute influence « sioniste ».

Mais, pour le reste, je suis d’accord. À l’image de cette poignée d’esprits libres, d’Albert Camus à Simon Leys, qui auront eu le courage intellectuel et moral, au XXe siècle, de rappeler que le roi était nu (quand la plupart des « moutons de l’intelligentsia », selon l’expression de Guy Debord, s’attachaient à décrire et célébrer la magnificence de ses nouveaux habits), George Orwell appartient incontestablement à cette catégorie d’auteurs dont la lucidité politique se voit aujourd’hui reconnue – fût-ce du bout des lèvres – par la majorité de ceux qui, en son temps, n’auraient pas hésité à le traîner dans la boue et à lui faire subir toutes les avanies de l’abjecte et fascisante cancel culture (puisque c’est ainsi que la gauche « inclusive » désigne, de nos jours, une chasse aux sorcières).

Pour autant – et sans vouloir jouer, là encore, les trouble-fête – je ne suis pas sûr que cette vision quasi consensuelle d’Orwell rende pleinement justice à l’originalité de sa pensée. Quand on utilise aujourd’hui l’adjectif « orwellien », c’est le plus souvent, en effet, pour critiquer un monde dans lequel les nouvelles technologies serviraient surtout, comme dans 1984, à perfectionner sans cesse la surveillance, le fichage et le contrôle social des individus, jusqu’à rendre ainsi progressivement illusoire la notion même de vie « privée ». Cet usage est légitime dans la mesure où il permet effectivement de mettre en lumière les similitudes troublantes qui existent entre certains aspects du totalitarisme « à l’ancienne » et ceux qui distinguent aujourd’hui l’univers – certes infiniment moins brutal mais, au final, peut-être plus envahissant et déshumanisant encore – de la très libérale Silicon Valley et de ses tentaculaires Gafam (un « paradoxe » familier à Orwell, lui qui notait déjà en 1941, dans Will Freedom Die with Capitalism?, que si le capitalisme ne peut pas être « plus cruel que l’Inquisition espagnole », il est, en revanche, beaucoup « plus inhumain »). 

Le problème, c’est qu’en réduisant la critique d’Orwell à cette seule dimension, si décisive soit-elle, des technologies modernes de télésurveillance, de contrôle et de fichage de l’individu – on finit par oublier qu’en écrivant 1984, son objectif premier n’était pas de nous livrer une prophétie (à la différence, par exemple, d’un Wells ou d’un Huxley). Il visait surtout, comme il le rappelle dans sa lettre de juin 1949 à Francis Henson, à dévoiler les effets potentiellement totalitaires de cette volonté de puissance dont les intellectuels (au sens élargi que Burnham donnait à ce mot) des nouvelles classes moyennes métropolitaines – celles qui sont chargées d’encadrer la dynamique économique et culturelle du capital moderne et dont le « progressisme » constitue, à ce titre, l’idéologie spontanée – lui apparaissaient nécessairement porteurs (quoique presque toujours sur le mode du déni), du seul fait de leur statut socio-économique structurellement contradictoire. Celui, comme le résumera plus tard André Gorz, d’« agents dominés de la domination capitaliste ».

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Article issu du Hors-série n°n° 48 février 2021 Lire en ligne
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