Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”
En Russie, la loi du vendredi 4 mars dernier punit de 3 à 15 ans de prison toute « fausse information » sur les opérations russes en Ukraine. Et bannit, entre autres, l’utilisation des termes « guerre » et « invasion » dans les médias… Cet universitaire d’une grande institution moscovite, que nous laisserons donc anonyme, nous a tout de même accordé un entretien pour nous faire part de l’ambiance qui règne dans les universités et au sein de l’intelligentsia russe. Un climat délétère, où tout le monde semble pris de court par la guerre.
Comment votre travail d’enseignant dans une université de Moscou est-il affecté par le déclenchement de la guerre en Ukraine ?
Je continue d’enseigner, sans avoir été contraint à signer une lettre de soutien à la guerre – alors que les recteurs de toutes les universités de Russie ont signé ce type de lettre ouverte. J’étudie avec mes étudiants des textes philosophiques du XXe siècle où il est énormément question de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d’Algérie. Les étudiants se rendent compte avec une certaine stupeur que ce qui était théorique devient réel et actuel.
Quel est l’état d’esprit des jeunes ?
Ils sont complètement désorientés. Aucun mouvement d’étudiants pro-guerre n’a vu le jour, ni dans les institutions des grandes villes, ni dans les universités de province. Les seules structures à avoir manifesté un soutien à la guerre sont des petites organisations comme des ensembles de musique populaire ou des chorales.
Et comment réagissent les milieux intellectuels ?
Ils sont tout aussi perdus. En effet, la plupart des intellectuels ne croyaient pas en la possibilité d’une grande guerre. Ils imaginaient que la Russie se contenterait d’une reconnaissance des deux républiques séparatistes du Donbass et l’envoi d’une force d’interposition russe pour obtenir un cessez-le-feu. Cela aurait à leur yeux suffi à Poutine pour considérer son intervention comme une victoire.
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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