Poutine est-il un dictateur, un despote ou un tyran ?
Depuis l’invasion de l’Ukraine, les responsables politiques et les commentateurs rivalisent de termes pour désigner le caractère non-démocratique du pouvoir qu’exerce Vladimir Poutine en Russie, un pays où des élections ont lieu, mais sont vidées de leur sens par l’absence de discussion et de garanties démocratiques. Mais quel est le bon terme ? Réponses avec Platon, Montesquieu et Carl Schmitt.
Un tyran platonicien ?
Si Platon est l’un des premiers à analyser les caractéristiques du tyran, c’est peut-être parce que, antidémocrate convaincu, il ne veut pas que le « philosophe-roi » auquel il souhaite confier la gouvernance de sa Cité idéale soit confondu avec l’image du tyran. Ainsi les livres VIII et IX de la République montrent-ils que le tyran, issu du peuple qu’il commence par flatter, « fomente toujours des guerres » pour obliger ce même peuple à lui donner un pouvoir absolu. Ne cessant d’en abuser, tyrannisé lui-même par son seul désir, sa psychologie est de plus en plus déréglée : il ne tarde pas à devenir insomniaque, alcoolique, érotomane, en un mot : fou.
Sans amis parce que traître à tous, il finit par vivre « la plupart du temps enfermé dans sa maison, enviant ceux qui voyagent librement ». Alors que le philosophe-roi, d’origine aristocratique, éduqué à la vertu, gouverne avec raison et justice, courage et modération, « le véritable tyran est un véritable esclave, condamné à une bassesse extrême » malgré le faste dont il s’entoure. Sanguinaire, Platon n’hésite pas à le comparer à un loup-garou (lycanthropos)…
Vladimir Poutine pourrait-il incarner cette description terrible du tyran ? Sans doute pas, car si son goût de la guerre, sa mégalomanie, sa tendance à la paranoïa semblent bien recouper certains traits du tyran, rien n’indique dans son comportement une psychologie totalement déréglée.
Un despote, comme chez Montesquieu ?
Se rapproche-t-il alors de la figure du despote ? Bien que le mot despotes (d’origine grecque et signifiant « maître de maison ») apparaît dès l’époque de Byzance, c’est davantage à l’usage qu’en font les marchands vénitiens pour parler du chef de l’Empire ottoman que se réfère Montesquieu lorsque, dans De l’esprit des lois (1748), il choisit ce terme pour désigner à côté du monarque et du chef républicain une troisième forme de gouvernance. Semblable au tyran, notamment par son goût insatiable pour les plaisirs, le despote en diffère néanmoins si l’on tente de le décrire à partir de son modèle oriental chinois et surtout turc.
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