Au voleur ! Anarchisme et philosophie
Une recension de Octave Larmagnac-Matheron, publié leL’homme peut-il se passer de gouvernement ? Non, a répondu la philosophie pendant des siècles dans le sillage d’Aristote. La vie en société a besoin de politique, et la politique est indissociable d’un arkhê – commencement et commandement –, sans quoi elle sombre dans le chaos de l’anarchie. Il faudra attendre deux millénaires, et l’audace d’un Proudhon, pour que l’anarchie conquière un sens positif et assume une idée que le politique n’a cessé de réprimer : le pouvoir est toujours une forme de domination arbitraire, qu’il est absolument incapable de se justifier lui-même. « L’anarchie […] est paradoxalement déjà là. […] L’anarchie est originaire, qui inscrit la contingence dans l’ordre politique. » Hantée depuis l’origine par cet abîme du « non-gouvernable », du « défaut de nécessité », la philosophie n’a pas tardé à emboîter le pas à l’anarchisme politique. Elle en a dérobé le geste tout en le radicalisant, en l’étendant au-delà de la sphère politique par une déconstruction décisive de l’idée même de « principe », sur laquelle repose toute la tradition occidentale. Catherine Malabou montre ainsi comment l’anarchie est devenue le nouveau centre décentré dans la pensée de six philosophes majeurs du XXe siècle : Reiner Schürmann (« principe d’anarchie »), Emmanuel Levinas (« responsabilité anarchique »), Jacques Derrida (« archiécriture »), Michel Foucault (« anarchéologie »), Giorgio Agamben (« anarchie et création ») et Jacques Rancière (« la politique est fondée sur l’anarchie »). Aucun d’entre eux, pourtant, n’a osé se dire anarchiste, aucun d’eux n’a envisagé jusqu’au bout l’émergence d’une société affranchie du partage de ceux qui commandent et de ceux qui obéissent. C’est ce déni, ce refoulement, qu’il s’agit de comprendre.
La société anarchiste, qui doit se réinventer sans cesse pour échapper à la sclérose, paraît impensable, irreprésentable. Mais, surtout, elle reste l’objet d’une inquiétude viscérale. « Identité de l’anarchisme et de l’expérience traumatique », résume Malabou. Renoncer au gouvernement, c’est accepter sans garde-fou la « plasticité de l’être anarchiste » et l’imprévisible de la vie, dont deux mille ans de pensée politique ont martelé qu’il fallait la dresser afin d’en endiguer le déferlement pulsionnel, morbide et destructeur. Aucun philosophe n’a pris au sérieux la possibilité que la vie sans gouvernement puisse se déployer non comme auto-anéantissement mais comme « entraide » spontanée, pour reprendre le révolutionnaire russe Kropotkine. Il faut de l’audace pour faire ce pas supplémentaire auquel nous invite Malabou : celui qui mène vers une société fondée sur le « refus de tout ordre qui ne serait pas librement consenti » – qui déjà toque à la porte. Notre époque est travaillée par une double poussée anarchiste. « Anarchisme de fait », car « l’État a déjà dépéri » en dépit des résurgences autoritaires. « Anarchisme d’éveil » ensuite, à travers « l’expérimentation de cohérences politiques alternatives » aux quatre coins du monde. « Il n’y a plus rien à attendre d’en haut » : voilà l’urgence à laquelle doit répondre la pensée.
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