Dick Howard. « Nous cherchons à mériter l’admiration du monde »
Qu’est-ce qu’être Américain ?
Être bon citoyen, croire dans les valeurs américaines de la liberté, de la démocratie, de la justice. Pour une majorité, croire en Dieu et travailler. Ces valeurs sont à la fois américaines et universelles. Pour les Américains, même la liberté est élective : elle se mérite. Il en va de même pour la valorisation du travail et de l’argent. Les Américains affirment avec Périclès : « Nous ne méprisons pas ceux qui sont pauvres, nous méprisons ceux qui ne font rien contre. » C’est le sens très volontariste de la recherche du bonheur qui est proclamé comme un droit inaliénable dans la Déclaration d’indépendance de 1776. L’exceptionnalisme américain consiste d’abord, pour chaque individu, à s’accomplir soi-même. En Europe, l’État est vu comme la sphère où la justice se réalise, tandis que la société civile est pensée comme la sphère de la domination et de l’inégalité. C’est la différence entre les révolutions française et américaine : la première instaure une république démocratique (l’égalité par l’État), tandis que la seconde instaure une démocratie républicaine, une société individualiste et dynamique encadrée par la Constitution.
Et la religion ?
À la différence de l’Europe, il y a une alliance native de la liberté et de la religion. Au lieu de devoir instaurer la liberté religieuse en écrasant l’infâme, ce fut la religion qui, grâce à la multiplicité des sectes protestantes, s’opposa à toute domination d’une croyance sur la conscience du croyant. Si l’athéisme est très minoritaire, la multiplicité des confessions est irréductible. Les Églises sont donc du côté de l’indépendance. Souvenez-vous de Martin Luther King : un révérend. Le mouvement des droits civiques n’aurait pas existé sans la religion. Par ailleurs, la Constitution garantit la séparation de l’Église et de l’État en son premier amendement.
N’y a-t-il pas un danger à se prendre pour une nation élue ?
En 2004, lors de sa réélection, Bush affirme en substance : « Tout le monde aime la liberté, tout le monde, s’il en avait la possibilité, pratiquerait une politique démocratique ; il suffit de renverser les dictateurs. C’est notre mission. » Imprudente et dangereuse, cette affirmation est en même temps naïve et attachante. Les néoconservateurs qui ont inspiré Bush sont d’anciens démocrates et trotskystes, qui refusaient la politique de l’apaisement avec l’URSS. Un peu comme les antitotalitaires en France. Ils pensent qu’il n’est pas possible de fermer les yeux, qu’il faut agir. L’exceptionnalisme est orgueilleux mais exigeant : il s’agit de mériter l’admiration des autres et du monde. Mais il peut aussi précipiter la nation dans un abîme.
Le philosophe et politologue Dick Howard a suivi l’ensemble de la campagne présidentielle américaine. À quelques jours de l’élection, il fait le point sur les valeurs qui divisent l'Amérique.
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