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Illustration : © Jules Julien pour PM

Patrick Boucheron: “C’est le Léonard de Vinci retiré du monde qui me touche le plus”

Patrick Boucheron, propos recueillis par Victorine de Oliveira publié le 02 juillet 2019 11 min

Derrière ce génie de la Renaissance disparu il y a cinq cents ans, Patrick Boucheron voit l’enfant apeuré, fasciné et terrorisé par l’eau, élément récurrent dans son œuvre. Mais aussi l’homme vieillissant qui a décidé de ne plus rien faire, expression suprême de l’artiste absolu.

« Le Léonard de Vinci peintre et ingénieur de génie, artiste admiré dans le monde entier, célèbre auteur de La Joconde, n’est pas celui qui m’intéresse et me touche le plus. Il y a chez lui une fragilité que l’on perçoit à la lecture de ses Carnets. Sans cesse, il s’y adresse à un “tu” mystérieux. Qui est-ce ? On a l’habitude de dire qu’il s’agit de lui-même, mais je ne peux m’empêcher de me demander quelle part de lui précisément. Peut-être est-ce celle qui n’a jamais cessé de s’étonner, de s’émerveiller, de s’alarmer devant le monde ? Il y a sans doute un enfant apeuré dans celui qu’on peint comme un géant de la Renaissance, génie multiforme, frère italien de Faust, sorte de surhomme. Voilà ce qui m’émeut. Lorsqu’il se parle à lui-même, il s’adresse d’ailleurs des questions d’enfant comme : “Pourquoi le ciel est-il bleu ?”, “Pourquoi la Lune grossit-elle à l’horizon ?” Ce sont des questions qu’on cesse de se poser un jour, non pas parce qu’on connaît la réponse, mais parce qu’on arrête tout simplement de s’étonner des choses.

Cet enfant apeuré, c’est celui qui connaît la force de la nature et se souvient de catastrophes qui ont marqué ses jeunes années. Dans les textes du Léonard de Vinci ingénieur hydraulicien, on lit cette rencontre entre l’intime et le professionnel. C’est alors qu’il est au service du duc de Milan dans les années 1480-1490 qu’on lui demande une série d’aménagements hydrauliques, travaux qu’il engagera ensuite en Romagne et en Toscane. Son activité d’ingénieur a principalement consisté à trouver le moyen de contrôler des débits, des flux, avec assez peu de moyens. Mais ses textes sur l’eau, notamment le “Cantique de l’eau”, sont autre chose que de l’observation technique. Il a une manière assez hallucinée de décrire les dangers de la nature. On peut donc se poser la question de l’origine de cette vision : l’imagination peut s’ébranler, non pas pour inventer ce qu’on ne sait pas, mais pour essayer de reconstituer, de faire image. De l’Arno, on a une image assez apaisée et mièvre : un fleuve toscan qui serpente entre des collines pour touristes anglais en tour organisé, dont on trouve l’annonce dans un cahier spécial à la fin de L’Obs. En réalité, l’Arno était un fleuve furieux, que Léonard de Vinci a vu déborder à de multiples reprises. Si je me permets de lui imaginer un souvenir d’enfance, pour reprendre le titre de l’essai de Freud, c’est le fleuve qui déborde. Une crue dévastatrice a eu lieu à Vinci alors qu’il était enfant, il s’en souvient forcément !

Ce n’est pas que le fleuve qu’il a vu déborder mais aussi le cours du temps. Il fut contemporain d’un moment où le temps est sorti de ses gonds, est sorti de son lit. Lui, le fils illégitime d’un petit notaire toscan, un “bâtard” comme on disait à l’époque, a été ballotté toute sa vie. Dans la seconde partie de sa vie, à partir des années 1500, il ne sait littéralement plus où il habite. Il cherche une stabilité auprès des puissants, à la cour des grands, à Milan, à Florence, à Venise, puis en France. Il croit un temps avoir trouvé cette stabilité à la cour des Sforza, mais l’histoire sort finalement de son lit : les guerres entre la France et le duché de Milan font qu’il est impossible pour lui de se fixer. Sa vie est mouvement, et c’est ce qui le fascine dans l’eau, le temps, mais aussi dans l’âme humaine. Ce mouvement, il cherche à le capter dans sa peinture. Selon lui, le “bon peintre [a] essentiellement deux choses à représenter : le personnage et l’état de son esprit”.

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