“Qu’est-ce qui vous met de bonne humeur ?” Les réponses des philosophes
Pour bien commencer ce dossier, nous avons posé cette question simple à cinq philosophes, qui délivrent leur secret pour garder la forme !
Laurence Devillairs : “… les pièces de Molière, découper et coller des images”
« Tous les matins, je regarde un petit bout d’une pièce de Molière sur YouTube : ça me fait rire, et ça a l’effet d’un morceau de musique entraînant sur le début de ma journée, le genre sur lequel vous ne pouvez pas vous empêcher de danser. Il y a vraiment un côté farce et coups de bâton, notamment dans Les Fourberies de Scapin. Molière n’est jamais snob, et son rythme est irrésistible. Sinon, prélever des images dans des magazines que j’ai parfois achetés exprès et en faire des collages me met vraiment de bonne humeur. J’éprouve beaucoup de joie à découper, et suivre méticuleusement les lignes et les contours m’apaise – c’est franchement le seul travail manuel que je peux faire sans déclencher de catastrophe. Je m’y consacre en général le dimanche, comme un rappel de l’enfance, lorsqu’on utilisait encore cette colle en pot qui sentait l’amande. La concentration que cela réclame me renvoie aussi à un temps où jouer était une affaire très sérieuse. Je découpe des choses que je trouve belles, mais je ne cherche pas à produire quelque chose de beau esthétiquement, sans parler de fournir une performance.
“Le collage est une activité complètement gratuite, qui ne vise rien, sans intentionnalité”
À force, je suis un peu envahie, il y en a partout chez moi. C’est quelque chose de performatif : le fait de découper me met de bonne humeur, même si, avant de m’y lancer, je me sens inquiète ou stressée. J’associe vraiment la bonne humeur à ce mélange d’attention et de légèreté. Je ne pratique pas ces collages à la légère, puisqu’ils me demandent d’être consciencieuse et réclament une certaine discipline, mais cela reste léger. Pendant que je découpe, je suis là, je ressens un certain poids de la présence, mais c’est une activité complètement gratuite, qui ne vise rien, sans intentionnalité. L’enfant ne se pose pas la question du sens de ce qu’il fait, ce qui ne l’empêche pas d’être à fond. Je suis sûre que je tire limite la langue tellement je m’applique ! »
Éric Fiat : “… la musique de Haydn, les fables de La Fontaine et le sourire d’un enfant”
« Ayant ces temps-ci plutôt l’humeur d’Alceste : “J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond, quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font” que celle de Philinte, j’avoue que l’équilibre des humeurs – sang, phlegme, bile jaune, bile noire – n’est pas mon fort. Mais la musique de Haydn, les fables et les contes de La Fontaine et le sourire d’un tout-petit me mettent de bonne humeur. Les sonates interprétées par Glenn Gould ou les fables dites par Louis de Funès, leur perfection formelle, contemporaine d’un humour comme capacité de changer d’humeur en quelques mesures ou quelques vers, sont, pour le mélancolique amoureux, un bienfait dans un monde imparfait. Même quand Haydn et La Fontaine font place à la tristesse, jamais elle n’entraîne cette subversion du réel qui est le fait des romantiques. Ils disent le bonheur d’être né plutôt que son inconvénient.
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