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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Dialogue

Isabelle Huppert, Slavoj Žižek. Le cinéma rend-il fou?

Slavoj Žižek, Isabelle Huppert, propos recueillis par Jean-François Duval publié le 28 avril 2010 20 min

Elle fut la présidente du jury du Festival de Cannes en 2009. Esprit baroque, il est aussi l’un des philosophes les plus cinéphiles. En ce mois de mai, qui verra défiler sur la Croisette des réalisateurs et des acteurs du monde entier, voici une conversation loufoque entre la plus cérébrale des comédiennes, Isabelle Huppert, et la star mondiale de la “pop’philosophie”, Slavoj Žižek.

 

Cette rencontre improbable est née d’une admiration. Celle du philosophe slovène Slavoj Žižek pour l’actrice Isabelle Huppert. Star internationale de la « pop’philosophie », bouffon génial ou délirant, au choix, Slavoj Žižek a consacré plusieurs pages de son livre La Subjectivité à venir (« Champs », Flammarion) au film La Pianiste de Michael Haneke, l’un des meilleurs rôles d’Isabelle Huppert au cinéma. Par ailleurs, Žižek est un authentique passionné du 7e art, et a publié deux ouvrages ayant trait au sujet, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Lacan… sans jamais oser le demander à Hitchcock (Capricci) et Jacques Lacan à Hollywood, et ailleurs (Jacqueline Chambon), où il présente la pensée du psychanalyste à travers le prisme du cinéma hollywoodien.

De retour d’Inde – car il court le monde, partout invité pour des conférences –, Slavoj Žižek n’est que depuis quelques heures à Paris lorsqu’il retrouve Isabelle Huppert dans un hôtel du VIe arrondissement. Le philosophe fait la promotion de son livre Après la tragédie, la farce ! (Flammarion). La comédienne a un emploi du temps chargé. Théâtre avec Un tramway à l’Odéon, dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Cinéma, avec White Material de Claire Denis (sorti le 24 mars 2010), film dans lequel elle tient le premier rôle : celui d’une femme qui, quelque part en Afrique, refuse d’abandonner sa plantation de café, malgré la guerre civile…

Autant Žižek, surnommé Fidel par ses amis en référence à Castro et à ses discours, laisse libre cours à un flux irrépressible, envahissant et incontrôlable de paroles (on aura dû le couper cent fois), autant Isabelle Huppert se montre discrète, attentive, tout à l’écoute. Après un bref incipit touchant au « néomarxisme » de Žižek – qui défend des positions communistes proches de celle d’Alain Badiou –, la conversation s’est focalisée sur le cinéma.

 

Isabelle Huppert : On m’a dit que vous viviez à Ljubljana, j’y suis allée enfant, je m’en souviens très bien.

 

Slavoj Žižek : J’y vis à peine, tant je voyage : aux États-Unis, en Angleterre, en Chine, en Corée… Je jouis d’une incroyable liberté, que je dois à l’oppression communiste. Après mes études en 1973 et quelques années de chômage, on m’a donné un petit poste dans un institut de recherches pour prévenir tout contact entre les étudiants et l’espèce de dissident que j’étais. J’y suis encore, et c’est idéal ! Je n’ai aucune obligation, sinon celle, toute personnelle, de promouvoir mes livres. Par exemple, Après la tragédie, la farce !, dont le bandeau de couverture annonce : « Le philosophe le plus dangereux d’Occident »… Ridicule ! Cette phrase est extraite d’un article de The New Republic, qui m’accuse de choses horribles, comme d’être fasciste. Non ! je me borne à perturber un tout petit peu le consensus libéral général d’aujourd’hui.

 

I. H. : Le communisme a échoué, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut s’accorder au discours ambiant ? À cette espèce d’euphorie et de contentement auxquels on a assisté après la chute du Mur ? Est-ce cela que vous voulez dire ? Qu’une quantité de questions restent posées ?

 

S. Z. : Tout à fait. Paradoxalement, on moque Francis Fukuyama, qui a annoncé « la fin de l’histoire » au sens hégélien, sans voir que tout le monde est devenu fukuyamiste. La gauche elle-même ne rêve plus que d’un capitalisme global à visage humain. Plus personne ne remet en cause le système. La démocratie libérale capitaliste offre-t-elle cependant un cadre adéquat pour résoudre les problèmes liés à l’écologie, à la biogénétique, aux nouvelles formes d’apartheid social ? Je ne le crois pas.

 

I. H. : Mais qu’envisagez-vous comme solutions possibles ?

 

« Je parle, je parle: à l'évidence, je suis dans la position hystérique de l'homme qui a besoin d'une dominatrice »

Slavoj Žižek

S. Z. : Faire une nouvelle révolution de type communiste serait une folie totale. L’histoire se répéterait, et où a-t-elle conduit ? Les pays ex-communistes sont devenus les pays capitalistes les plus dynamiques. La preuve par la Chine ! En fait, le capitalisme ne fonctionne jamais aussi bien qu’avec un pouvoir autoritaire. Alors, on me rétorque : le capitalisme, même s’il a été imposé par la dictature, finit toujours par évoluer vers la démocratie… Voyez le Chili, la Corée du Sud. Il en ira de même en Chine. On se trompe ! En Chine s’imposera un capitalisme du même type qu’à Singapour. Totalement autoritaire. Et le phénomène s’étendra à l’Europe. Vous connaissez bien sûr Duck Soup, des Marx Brothers, ou mieux, Brazil, de Terry Gilliam. Ce film dépeint très bien cette « ubu-isation » du pouvoir, dont parlait déjà Michel Foucault, lorsqu’il devient, comme dans Ubu roi d’Alfred Jarry, à la fois autoritaire et ridicule. L’Italie de Berlusconi, c’est ça. Rien à voir avec les dictatures d’antan ; on semble au contraire jouir de toutes les libertés, de toute la permissivité voulue. En même temps, la dépolitisation du pays est générale.

I. H. : J’y reviens. Quelles solutions envisagez-vous aux problèmes que vous soulevez ?

 

S. Z. : Justement, le pire est que je n’ai même pas de solutions ! Je ne suis qu’un perturbateur. Et s’il y a urgence, rien ne m’agace plus que l’état d’urgence dans lequel on nous maintient. On nous dit : « Mon Dieu, des enfants meurent en Afrique, ce n’est pas un temps pour penser, mais pour agir. » Non ! C’est très exactement le temps de penser. Mais pardon, je parle trop. Je suis fasciné par vous, sex frightened, comme disent les Anglais [rires]. Je parle, je parle : à l’évidence, je suis dans la position hystérique de l’homme qui a besoin d’une dominatrice ! Alors que je tiens à vous dire une chose : Heaven’s Gate, de Michael Cimino, dans sa version intégrale, est admirable et n’a pas été reconnu comme il aurait dû l’être.

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