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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Frédéric Poletti pour PM

Le joyeux Univers Serres

5 articles publié le 27 mars 2014
On ne présente plus Michel Serres. Pourtant, sa pensée, complexe, est souvent méconnue. À l’occasion de la parution d’un livre d’entretiens, Pantopie, de Hermès à Petite Poucette, il commente des photos incarnant les « figures » avec lesquelles il dessine le nouveau. Il démontre que les personnages et les récits sont aussi pertinents que les concepts pour appréhender les « bascules » du monde.

Si Michel Serres dit penser davantage à partir de « la singularité » que des concepts, c’est d’abord à sa propre singularité que l’on pense. Né en 1930, fils de « casseur de cailloux » de Gascogne, il n’a rien fait comme tout le monde. Il arrive à la philosophie après avoir étudié les mathématiques. À l’École normale supérieure (ENS), il se passionne pour la science, la théorie des nœuds ou celle de la communication, quand l’époque est au structuralisme, à la psychanalyse et au marxisme. L’Université française le dédaigne ; il officiera à la fac californienne de Stanford. Sa faconde de conteur, qui peut prendre le rugby ou Tintin comme objets philosophiques, fait de lui un personnage grand public ; ses ouvrages, quoique écrits dans une langue charnelle et lyrique, sont en réalité denses, complexes, savants, obscurs parfois. S’il n’a pas, dit-il, de « logo » – entendez « inventé un concept » –, il a un logos créatif en récits, mythes, personnages et images qui font penser. Trop connu, Michel Serres est aussi méconnu.

C’est tout le mérite de ce beau et consistant livre d’entretiens, Pantopie, de Hermès à Petite Poucette, réalisé par nos deux vaillants camarades de Philosophie magazine Martin Legros et Sven Ortoli, de réunir pour la première fois l’univers Serres et d’en donner la pleine mesure. Les auteurs ont choisi de voyager à travers les « personnages » de Michel Serres : de Hermès, le messager des dieux, à Petite Poucette, figure de l’individu absolu produit par la révolution numérique, mais aussi le Thanatocrate, le Tiers-Instruit, le Mal propre, l’Incandescent… Que sont ces personnages ? Ni des concepts, ni des créatures littéraires, ni des mythes, ni des figures génériques, ou tout cela à la fois : des singularités plutôt que des généralités.

« Son œuvre se déroule comme une polyphonie, explorant de préférence les sonorités inouïes »

Pour saisir le chemin de pensée de Michel Serres, peut-être faut-il l’imaginer en compositeur pour entendre ses personnages comme des thèmes musicaux, des sons du monde, extraits, recomposés, renversés dans de multiples variations. Où l’on reconnaît la Nature, la Communication, l’Éducation, la Science, l’Homme, la Terre, et, en basse continue, la Guerre. Son œuvre se déroule comme une polyphonie, explorant de préférence les sonorités inouïes. Naviguer en toutes eaux, telle est l’ambition du philosophe. Passepartout, le valet du Phileas Fogg de Jules Verne, est son frère. Il s’est fait « Pantope » (du grec pan, « tout », et topos, « lieu ») pour embrasser la totalité. Pantope ne s’interdit aucun appétit de savoir, Pantope cherche inlassablement le nouveau. À quoi reconnaît-on le nouveau ? Michel Serres répond, comme souvent, par une manière de récit : « Quand j’étais en philo à l’ENS, j’ai passé deux ans avec quelques-uns de mes camarades scientifiques à m’initier aux mathématiques dites “modernes”. Ma chance a été de voir se produire la bascule avec les maths que j’avais apprises. Quelques années après, je saisis pareille bascule en physique en lisant La Théorie de la communication, de Brillouin. Un peu plus tard, je rencontre Jacques Monod, lis Le Hasard et la Nécessité et j’entre avec lui dans la biochimie et la génétique naissantes. Je me suis aperçu qu’être mathématicien ou physicien, ce n’était pas savoir les maths mais avoir basculé. J’ai donc appris la bascule. Et la bascule, c’est la pensée même. »

« La philosophie boite, écrivait Merleau-Ponty. Elle habite l’histoire et la vie mais elle voudrait s’installer en leur centre, au point où elles sont avènement, sens naissant. » Ainsi Michel Serres est-il philosophe. Claudiquant avec panache, il aura cherché toute sa vie le secret de l’équilibre. L’harmonie, toujours à venir et toujours en mouvement, des mondes nouveaux. Telle est pour Michel Serres « l’immense allégresse de penser ».

 

Vient de sortir:
Pantopie, de Hermès à Petite Poucette. Entretiens avec Martin Legros et Sven Ortoli (Le Pommier, 2014)
« Penser, c’est anticiper » pour Michel Serres qui a vu venir avant tout le monde les grandes révolutions de notre temps : l’avènement des communications, le souci du corps, la crise de l’écologie, la révolution numérique, la métamorphose du religieux. À travers des entretiens vivants, drôles et profonds, où le penseur revient sur son itinéraire, ce livre raconte en dix chapitres les personnages et les concepts essentiels de la pensée de Michel Serres.
 
À lire
Le Contrat naturel (Flammarion, 1990 ; ChampEssais, 2009)
Le Tiers-Instruit (Gallimard, 1991 ; Folio Essais, 1992)
Le Mal propre : polluer pour s’approprier ? (Le Pommier, 2008)
Musique (Le Pommier, 2011)
Petite Poucette (Le Pommier, 2013)

 

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