Diderot cul par-dessus tête

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Du trio emblématique des Lumières, Diderot, près de Voltaire et Rousseau, passe pour le sale gosse surdoué, qui pense par « jongleries intellectuelles ». À l’occasion du tricentenaire de sa naissance, Michel Delon et Colas Duflo, dix-huitiémistes sérieux, se penchent sur le cas de cet homme qui montrait « en une journée cent physionomies diverses ». Delon propose « une histoire sensible du philosophe, une histoire de son rapport matériel au monde ». À la chronologie, Delon préfère la flânerie thématique, du Langres natal où ronronne l’atelier du père coutelier à la robe de chambre du philosophe vieillissant, en passant par les lettres ardentes à Sophie Volland et la boulimie de travail qui accouche de l’Encyclopédie et des Salons. Ce que l’on pourrait croire anecdotique renvoie, là au matérialisme discuté dans Le Rêve de d’Alembert, là à l’athéisme qui vaut la prison, là au dialogue maïeutique. Auteur d’« œuvres qu’il ne veut pas linéaires mais qui suivent le désordre de la conversation », Diderot ouvre les bras à une critique avide d’approximations et autres apparentes étourderies. L’étude de Duflo, centrée sur la recherche de la cohérence profonde de l’œuvre, tord le cou à l’image d’un intellectuel dilettante et brouillon. Diderot, en « philosophe sans système », révèle une audace qui mérite mieux que de la condescendance, estime Duflo. Et de rendre justice à son scepticisme méthodique, à ses références scientifiques, à sa réflexion politique. On n’est pas sérieux quand on a trois cents ans… du moins pour les paresseux.

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