Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen Âge à l’aube du XIXe siècle

Une recension de Alexandre Lacroix, publié le

« Jai fait ma crise pyrrhonienne. » Presque tous les philosophes classiques émettent cette plainte. On la retrouve dans les œuvres et la correspondance de Montaigne, Descartes, Pascal, Érasme, Hume, Spinoza… Mais de quoi se plaignent-ils au juste ? Quel est ce mal intellectuel bizarre, accompagné d’insomnies, de fièvres et de spasmes, qui parcourt l’Europe à partir du début du XVIe siècle jusqu’aux Lumières ? L’historien de la philosophie Richard Popkin s’est penché sur cette question toute sa vie. Né en 1923, il a entrepris en 1940 la recherche qui l’a occupé jusqu’à la parution de sa monumentale Histoire du scepticisme en 2003. Il y retrace par le menu la déflagration produite par la redécouverte d’un texte oublié, dont le manuscrit grec dormait au couvent San Marco de Florence : les Esquisses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus (IIe-IIIe siècle). Écrit à Alexandrie au début de notre ère, cet ouvrage montre comment mettre K.-O., par la raison, toutes les théories et les dogmes, dans le but de suspendre son assentiment, de gagner une sorte d’apesanteur. Ce texte s’est trouvé au cœur de la querelle entre catholiques et protestants, mais aussi entre croyants et athées. Moins connu que les dialogues de Platon ou le corpus d’Aristote, ces Esquisses pyrrhoniennes sont peut-être, du moins est-ce la thèse de Popkin, le ferment originel de notre mentalité actuelle, le bréviaire sans lequel l’Occident ne serait jamais entré dans la modernité. Doutez de tout, sauf des bienfaits immenses du scepticisme : la démonstration de Popkin est, sur ce point, inattaquable !

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