La Domination
Une recension de Agnès Gayraud, publié le1/ Autorité
Au sens large, commence Weber, la domination peut recouvrir une infinité de situations. Ce peut être un simple « se-faire-valoir » (sur un marché, dans un salon, dans une discussion ou n’importe où ailleurs) ou une interaction dans laquelle il est difficile de distinguer le dominé du dominant. Mais Weber découpe une forme plus précise dans ce phénomène diffus : il y a domination quand il y a « possibilité de contraindre d’autres personnes à infléchir leur comportement en fonction de sa propre volonté ». La domination, en ce sens, n’est autre que le « pouvoir autoritaire de donner des ordres ». Elle s’exerce soit en vertu d’une « configuration d’intérêts », soit en vertu d’une autorité. C’est cette autorité – au sens du pouvoir d’être obéi du dominant – qui intéresse Weber.
2/ Domination légitime
Mais comment comprendre la domination fondée sur « le devoir d’obéissance, auquel on fait appel indépendamment de toute motivation et de tout intérêt » ? En cherchant dans la tête des dominés ? Weber sait bien qu’un ordre peut produire son effet pour de multiples raisons psychologiques (empathie, inspiration, persuasion), sans que cela change son sens d’un point de vue sociologique. Il faut donc opérer dans l’autre sens, du point de vue des dominants. En empruntant à l’histoire comme au présent, Weber dégage des modes idéal-typiques de la domination « légitime », différenciés par le type de prétention à la légitimité qu’ils revendiquent (fondée par exemple sur une rationalité légale, bureaucratique, sur la tradition ou sur le charisme).
3/ Sans rébellion
Weber ne justifie pas pour autant une domination qui s’imposerait de force – ce qui contredirait sa notion-type de la domination. Il place hors-champ la possibilité d’une objection des dominés à une domination réputée légitime. Le concept critique marxiste de domination et les figures réputées victimes de cette domination (les enfants, les femmes, les paysans pauvres, les ouvriers…) sont quasiment absents du livre. Comme le note Yves Sintomer, dans sa riche introduction, « La Domination ne connaît guère les révoltes et les révolutions ». Attaché à une conception du politique comme « privilège d’un petit nombre », Weber n’anticipe pas les formes contemporaines de la discussion collective protestataire, ni même celles d’une rébellion commune sans leader charismatique.
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