La fin du village: Une histoire française

Une recension de Catherine Portevin, publié le

C’est un livre longuement porté, le livre d’une vie. Sa source remonte à des vacances en Provence il y a trente ans. Et puis, d’été en été, le bourg de Cadenet, dans le Luberon, est devenu pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff un terrain d’étude. Un terrain de choix pour observer les mutations de ce village particulier comme révélatrices du « malaise français » contemporain : une France tiraillée entre le regret des temps anciens et la fuite en avant dans la modernité. On ressent l’empathie bonhomme de Jean-Pierre Le Goff pour les habitants de Cadenet. Il ne décrit rien mieux que la convivialité d’un café, les relations de solidarité ordinaires, qui ne s’en remettent pas à des services sociaux ou culturels, une société spontanément structurée par quelque chose comme le sens commun. Que s’est-il passé pour que cette cohésion vole en éclats ? Le tourisme massif, l’installation de « néoruraux » – urbains fortunés ou au contraire populations déclassées de Marseille – et puis, comme partout, l’individualisme, l’injonction aux loisirs, le chômage, la « déglingue » en place de la pauvreté : « le travail des pauvres n’existe plus, constate Le Goff, et ils ont le sentiment de n’être rien dans la société ». Évidemment, La Fin du village est bourré de nostalgie, mais la finesse des observations, la diversité des témoignages, la profondeur de l’enquête encouragent surtout à regarder la France pour ce qu’elle est : un monde complexe.

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