Pourquoi fait-on des enfants? La fin de l'exception française
Selon un rapport de l'Insee publié le mardi 16 janvier, le taux de fécondité en France s'établit à 1,88 enfant par femme, accusant une baisse quasi continue depuis trois ans. En cause ? La crise économique, la baisse des allocations familiales et des investissements dans les structures d’accueil. L’exception démographique française semble donc marquer le pas.
Alors, pourquoi fait-on des enfants ? Notre rédacteur en chef, Martin Legros posait hier la question dans la rubrique « Réflexion faite » du Grand Soir 3, sur France 3. C’est qu’autrefois le fait de faire des enfants allait de soi. On ne faisait pas des enfants, on avait des enfants. Mélange d’obligation sociale et de nécessité vitale, l’enfantement n’était pas un acte de la volonté. Au début du XXe siècle, Freud pouvait ainsi affirmer, rêveur : « Ce serait l’un des plus grands triomphes de l’humanité si on parvenait à élever l’acte responsable de procréation au rang d’action volontaire et intentionnelle ».
Puis, avec le progrès de la science et de l’individualisme, nous y sommes arrivés : grâce à la pilule contraceptive hier, à la procréation médicalement assisté et peut-être même à la gestation pour autrui demain, et à l’émancipation des femmes, faire un enfant est devenu une action « volontaire et intentionnelle », avec ce paradoxe étonnant : depuis que l’humanité a les moyens de décider si elle veut se reproduire ou non, elle semble hésiter.
Descartes, Schopenhauer, Arendt
Pour les philosophes deux raisons majeures nous poussent à vouloir des enfants : l’amour et la nature. Pour René Descartes, dont la fille est morte très jeune, nous faisons avec nos enfants l’expérience unique d’un amour inconditionnel. « L’amour d’un bon père pour ses enfants est si pur, écrit-il, qu’il recherche leur bien avec plus de soin que le sien et ne craint pas de se perdre pour les sauver ».
Arthur Schopenhauer défend une vision plus désenchantée. Le philosophe décèle derrières nos actions et décisions les plus personnelles la puissance du « Vouloir-vivre » de l’espèce. « Le Génie de l’espèce profite de l’exaltation des amants pour réaliser ses projets » affirme-t-il.
Enfin, Hannah Arendt distingue une troisième voie. Selon elle, faire un enfant est non un acte d’amour pur ou un acte reproductif, mais la possibilité pour les amants, qui vivent quelque chose d’intime et qui se sont mis hors du monde, d’inscrire cet amour dans le monde, de lui assurer une trace durable, objective. Pour cela, il faut, précise-t-elle, que « l’appartenance-au-monde que l’enfant assure aux amants est en un sens la fin de l’amour. Celui-ci doit ressaisir les amants se transformer en un lien différent » (Hannah Arendt, La Condition humaine, 1958)
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