Hannah Arendt : et l’homme se métamorphosa en extra-terrestre…
Avec la révolution copernicienne, l’homme entame un parcours qui le mènera jusqu’à la conquête de l’espace. Mais gagne-t-on à regarder l’humanité de haut ? Pour Arendt, le progrès scientifique a un coût : les mathématiques ont peu à peu supplanté le langage comme clé d’accès au réel. Ainsi, plus la science permet d’agir sur le monde, moins l’homme est en mesure de le comprendre. Et plus il est exposé à succomber aux totalitarismes qui substituent pareillement au réel de la relation éthique et politique des théories aux prétentions scientifiques.
Hannah Arendt a le chic pour pointer les vérités qui dérangent. Après avoir perçu les prémices du totalitarisme dans la politique des empires, analysé les similitudes entre nazisme et stalinisme et vu dans le « monstre » Eichmann l’incarnation de la banalité du mal, elle s’intéresse aux bouleversements qu’implique la conquête de l’espace. Et quand elle se consacre à ce qui fait le cœur de notre modernité, à savoir l’explosion des sciences et des techniques à partir du XVIIe siècle, Hannah Arendt ne perd rien de son côté subversif. Elle décèle dans cette époque un geste métaphysique qui mène directement à nos problèmes actuels. Ce pas décisif a été décrit, avant elle, par l’historien des sciences Alexandre Koyré (notamment dans Études d’histoire de la pensée scientifique) et par le phénoménologue Edmund Husserl (dans La Crise des sciences européennes) à travers ce qu’il est convenu d’appeler la révolution galiléenne. Afin de démontrer la légitimité physique de l’hypothèse copernicienne suivant laquelle c’est la Terre qui tourne sur elle-même et autour du Soleil, et non l’inverse, Galilée a dû convaincre ses contemporains que le mouvement et le repos sont des réalités relatives et ne s’opposent pas absolument, comme le voulaient la science et la sagesse antiques. On peut, dit Galilée dans son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, croire être immobile dans la cabine d’un navire, et être en mouvement : le navire avance à une vitesse uniforme et on ne se rend pas compte qu’il bouge. Il est donc possible d’envisager que nous sentions bien ferme et totalement immobile la Terre sous nos pieds, bien qu’elle soit en réalité en rotation sur elle-même.
Cet argument est indispensable à la victoire de la physique moderne pour Arendt, selon qui le savant a été forcé « de renoncer à la perception sensorielle et, de là, au sens commun grâce auquel nous coordonnons la perception de nos cinq sens en une conscience totale de la réalité ». La vérité scientifique des lois de la nature ne peut être tirée des phénomènes que nous observons. Au contraire, ce que nous percevons est systématiquement trompeur. Nous voyons le soleil se déplacer au-dessus de nos têtes et nous nous sentons immobiles, or c’est nous qui bougeons.
À l’occasion de la publication du Cahier de l’Herne consacré à Hannah Arendt et dirigé par Martine Leibovici et Aurore Mréjen, nous publions avec…
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