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Hanna Arendt. Couleurs : PM. © Münchner Stadtmuseum, Sammlung Fotografie, Archiv Niggl Radloff.

Une semaine avec Arendt

[Exclusif] Hannah Arendt : “La cybernétique et la révolution du travail”

Hannah Arendt publié le 05 octobre 2021 3 min

À l’occasion de la publication du Cahier de l’Herne consacré à Hannah Arendt et dirigé par Martine Leibovici et Aurore Mréjen, nous publions avec l’aimable autorisation des ayants droit un extrait inédit de l’intervention que fit Arendt en juin 1964 à la première Conférence annuelle sur la révolution cyberculturelle, à New York. L’auteur de Condition de l’homme moderne comprend que l’essor des machines intelligentes induit une réévaluation en profondeur de nos compétences, comme la mémoire, mais aussi de la place du travail. Avec ce paradoxe étonnant, et très actuel : l’automatisation, qui a réduit le temps de travail manuel, a fait exploser le temps de travail intellectuel. 

L’extrait

(Cahier Hannah Arendt © Éditions de l’Herne, 2021)

« Le fait même que les machines puissent prendre en charge quantité d’activités que nous avons toujours identifiées avec l’esprit humain plaide à mes yeux pour une réévaluation de ces activités et de notre activité intellectuelle en tant que telle. Prenons deux exemples : quand j’étais petite, il était encore courant et même très à la mode d’estimer que les personnes qui jouaient très bien aux échecs étaient très intelligentes. Or, nous savons aujourd’hui que certaines machines – je ne citerai pas de noms – savent jouer assez bien aux échecs. Pour autant, il me semble qu’il y va de la dignité humaine de dire que cette forme d’intelligence n’a pas le même statut que d’autres formes d’intelligence et de pensée. Autrement dit, cette capacité à jouer aux échecs demeure encore technique et réside encore dans ce que nous appelons à juste titre la puissance du cerveau. Cette dernière peut varier d’un homme à l’autre, tout comme la puissance des muscles – nous ne sommes pas tous aussi forts les uns que les autres. Pour autant, cela ne nous apprend rien quant au niveau ou aux particularités de tel ou tel être humain comme tel. Prenons un autre exemple. M. Perk a évoqué la chance que nous avons de pouvoir effacer la mémoire des ordinateurs et la malchance qui veut que ce ne soit pas aussi facile avec les êtres humains, pour lesquels on parle pourtant de lavage de cerveau. […] Cependant, si la mémoire humaine n’était que cela, à savoir quelque chose qui nous aide à fonctionner comme la mémoire stockée dans les ordinateurs, la situation serait bien triste. Nous savons bien sûr que la remémoration, qui fait appel à une autre faculté distincte de la faculté simplement technique de la mémoire, restera possible quelles que soient les fonctions que la mémoire assure ou pas. La perte de la capacité de se remémorer prive l’existence humaine de toute une dimension – celle du passé. En outre, nous devons aussi procéder à une réévaluation. Nous devons indiquer ce qui ne relève pas des fonctions techniques du cerveau et, par exemple, ce qu’est la remémoration par opposition à la mémoire technique. Le second aspect que l’automatisation a apporté et qui appelle une solution est que, même si la révolution industrielle avait déjà rendu la vie et certaines activités plus faciles, elle n’a pas permis de raccourcir la journée de travail ; elle l’a au contraire allongée, assez curieusement. Les activités d’œuvre et de travail sont plus faciles à mener, mais les individus y passent toujours autant de temps et même plus. Pour le dire autrement, au cours de la révolution industrielle, nous avons modifié la nature de notre travail, mais nous n’en avons pas fini avec le cycle qui règle notre vie. […] Jusqu’à présent, ceux qui occupaient le dessus du panier et travaillaient moins que ceux qui étaient placés en bas de l’échelle jouissaient d’un statut social plus élevé que les autres. Or nous nous trouvons en plein cœur d’une révolution très importante à cet égard aussi. Prenez les cadres qui occupent les emplois supérieurs. Ils triment désormais comme seuls trimaient les autres aux pires jours des débuts de la révolution industrielle. J’ai fait un petit sondage Gallup personnel. J’ai demandé à toutes mes connaissances combien d’heures elles travaillaient. Le résultat a été seize. Quatorze à seize heures, sans les deux jours et demi de repos dont nous bénéficions tous, mais avec un jour de repos au mieux, et même ainsi, c’est la pire des situations. Vous mesurez à quel point le changement est décisif. Et pourtant, de ce bouleversement au cœur duquel nous nous trouvons, personne ne parle. Plus un emploi est inférieur, plus il laisse de temps libre – je ne le qualifierai pas de temps de loisir, parce que je ne crois pas que ce soit le cas. »

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