La Religion des faibles
Une recension de Catherine Portevin, publié leLes titres se répondent. L’une, l’historienne américaine Joan Scott, tête de pont des études de genre, décrypte la sacralisation de la laïcité en Occident et son instrumentalisation contre l’islam ; pour l’autre, le journaliste Jean Birnbaum, continuer de dénoncer l’hypocrisie des valeurs de l’Occident, c’est s’affaiblir face au djihadisme qui les menace frontalement. L’une pourrait donc être la cible de l’autre, et réciproquement. Ils représentent deux formes de pensée, deux options idéologiques, sur le clivage qui structure la vie intellectuelle occidentale depuis le 11 septembre 2001 autour de l’islam.
Dans La Religion de la laïcité, Joan Scott démonte l’articulation, qui nous semble aujourd’hui aller de soi, entre la laïcité et l’émancipation des femmes. C’est tout le contraire : la loi de 1905 en France a retardé le droit de vote des femmes en les renvoyant, avec la religion, à la maison ou au couvent. Retournement durant la guerre froide : contre le matérialisme athée de l’Union soviétique, le monde libre revendique, au nom de sa laïcité, le judéo-christianisme comme socle séculier de valeurs ; et, contre l’abolition totalitaire de la sphère privée, la liberté de choix des femmes et leur liberté sexuelle. La laïcité réalise ainsi l’alliance paradoxale de la liberté sexuelle avec la revendication de l’héritage chrétien.
Jean Birnbaum préférera sans doute renvoyer ces paradoxes aux oubliettes d’un gauchisme aveugle, voire suspect. Depuis son précédent livre, Un silence religieux (Seuil, 2016), il enfonce résolument un coin dans les certitudes de la pensée de gauche, qu’il résume abruptement : « tout ce qui affaiblit l’Occident est juste », juste retour d’une oppression sous couvert de rhétorique émancipatrice. Retournant l’expression d’Emmanuel Todd qui voyait, après les attentats de janvier 2015, une société blanche et chrétienne autorisée à « cracher contre la religion des faibles », il réplique : les faibles, c’est nous, les valeurs attaquées (la liberté d’expression, des mœurs, des femmes…), ce sont les nôtres, il est temps de réaliser que « nous sommes visés […], si faibles de nous croire si forts ». Dans le regard de cet ennemi qui veut nous détruire, notre « Croyance » dans l’universalité du projet des Lumières a vacillé. Ce n’est plus le moment de se flageller, il faut savoir à quoi nous tenons, et oser dire un « nous » contre « eux ». Même Jacques Derrida, qui fut le plus cosmopolitique des philosophes, le plus critique du colonialisme européen et de l’impérialisme américain, affirme Birnbaum, aurait choisi son camp.
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