La Violence et le sacré
Une recension de Sven Ortoli, publié leRené Girard est-il philosophe ? La question mérite d’être posée alors que son œuvre connaît une riche actualité éditoriale. Méconnue par l’université française, sa pensée a rencontré la faveur du public au point que les concepts de « désir mimétique » et de « bouc émissaire » semblent être tombés dans le domaine public. À défaut d’être rangée dans le rayon « philosophie » des bibliothèques, l’œuvre contient des effets philosophiques incontestables. Elle s’origine dans le concept classique d’imitation ; contre Platon qui ne voyait de l’imitation que ses effets « grégaires et lénifiants » incarnés dans les simagrées du sophiste, mais aussi contre Aristote qu’il juge trop sage en la matière, René Girard voit dans la mimesis un principe dont la valeur explicative le dispute à celle de la théorie darwinienne de l’évolution… Imiter est le propre de l’homme. Loin de n’avoir qu’une existence seconde, de n’être que la défectueuse copie d’un modèle lointain, l’imitation est la source dont dérivent tous les comportements humains, de l’apprentissage admiratif aux déchaînements collectifs de la violence. Venu à l’anthropologie par le biais de la critique littéraire dans Mensonge romantique et vérité romanesque (1961), René Girard occupe une place à part dans le paysage intellectuel contemporain. Ancien élève de l’École des Chartes, c’est aux États-Unis qu’il a enseigné – notamment la littérature comparée à l’université de Stanford, en Californie. Éclectique, sa théorie mimétique a connu diverses applications (lire aussi l’exercice de ciné-philosophie d’Ollivier Pourriol, p. 88), de la théologie – que Raymund Schwager a été le premier à exposer dans Avons-nous besoin d’un bouc émissaire ? – aux neurosciences – la découverte récente des neurones miroirs apparaît comme l’une de ses confirmations expérimentales –, en passant par l’étude de la différenciation de l’homme et de l’animal.
C’est à travers l’étude des rites (La Violence et le Sacré, 1972) et des mythes religieux (Le Bouc émissaire, 1982) que René Girard fait émerger le concept de « désir mimétique ». Rompant avec la conception traditionnelle selon laquelle nous désirons un objet en raison de ses propriétés intrinsèques, ou de sa valeur d’usage, il établit que le désir est toujours d’abord mimétique, autrement dit que nous ne désirons un objet qu’à la condition d’imiter le désir d’un autre (le « médiateur ») pour cet objet. C’est dans cette relation triangulaire entre le médiateur, l’objet et le sujet imitant que se construit, se nourrit et se renforce le désir, dans une rivalité toujours croissante dont l’issue ne saurait être que violente. Car en imitant le désir de l’autre, le sujet rival ne fait que renforcer le désir de celui-ci pour l’objet qu’il possède. Dans ce jeu de miroir où les reflets du désir donnent naissance à une recherche indéfinie de rivalité, l’objet de l’imitation devient la violence elle-même. Seul le sacrifice du « bouc émissaire », victime innocente mais prétendument coupable, permet à tous les rivaux de satisfaire le désir de vengeance et met fin au cycle infernal de la violence mimétique.
Si elle est l’origine dans laquelle se reflètent les diverses tendances de l’humain, la mimesis présente néanmoins de multiples variations. De la reconnaissance à la rivalité des jumeaux, du récit de la Genèse à l’Apocalypse, la théorie mimétique a pour ambition de rendre raison de toute l’histoire de l’humanité. « Si les hommes tout à coup cessaient d’imiter, toutes les formes culturelles s’évanouiraient »…
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