L'art d'être fragile. Comment un poète peut sauver ta vie
Une recension de Catherine Portevin, publié leLe néant et l’infini, le chaos et la lune sereine, le ciel vide et le parfum d’un genêt qui « console le désert », et la souffrance immense, et le ravissement de la nature, et la vanité de toute chose, et l’amour, et l’ennui profond, et la beauté, et la connaissance qui sauve et désespère… Tout est là, dans l’œuvre de Giacomo Leopardi, pour emplir une vie humaine. Il n’a pourtant rien du marchand de bonheur. Leopardi, c’est d’abord l’expérience de la douleur. Né en 1798 dans l’isolement rigoriste d’une famille lettrée des Marches, il ne doit son salut qu’à la bibliothèque de son père. Salut tout relatif puisqu’il s’y use les yeux et s’y ruine la santé et le dos. À 18 ans, érudit reconnu, la poésie l’a déjà ravi, mais il devra jusqu’au bout « traîner sa vie avec les dents ». De ce poète, sacré « le plus grand depuis Dante » et ânonné par toutes les générations d’écoliers italiens, le Sicilien Alessandro D’Avenia a fait son unique vade-mecum. Mieux : tel le professeur – car D’Avenia est professeur – du film Le Cercle des poètes disparus (1990), il tente d’y puiser de quoi révéler à ses élèves la grandeur de ce qu’ils peuvent être, à eux-mêmes et au monde. Alessandro D’Avenia, donc, enseigne la littérature dans un bon collège catholique de Milan. Il est aussi un auteur à succès, mais considérons-le plutôt ici comme un parfait inconnu, de même que Leopardi, d’emblée allégé pour nous de la tradition scolaire italienne. Alors, nous entrons dans une voix singulière.
En autant de lettres adressées à son « cher Giacomo », Alessandro D’Avenia égrène avec gratitude et passion tout ce qu’il lui doit, pas à pas, à chaque étape de la vie, le professeur ayant l’âge (39 ans) auquel est mort le poète. Il traverse ainsi son existence et son œuvre, dont il fait résonner avec les questions existentielles d’aujourd’hui les forces littéraires, morales, cosmiques, philosophiques. Nietzsche s’inspira de son Chant nocturne d’un berger errant de l’Asie pour ses Considérations inactuelles, on trouva chez lui du Kierkegaard, du Pascal et, bien sûr, du Schopenhauer. Dans sa fragilité à être, Alessandro D’Avenia trouve avec finesse de quoi assurer l’adolescence – « j’ai besoin d’amour, d’amour, d’amour, de feu, d’enthousiasme, de vie, le monde ne me semble pas fait pour moi », écrit Giacomo à son frère. Louant le « cœur pensant » du poète, il le rend chercheur de lumière contre l’interprétation commune de son « pessimisme cosmique »… jusqu’à même lui donner un petit vernis catholique en le comparant à François d’Assise. Il n’empêche : cet Art d’être fragile vibre juste. Si D’Avenia a la foi, c’est surtout en Leopardi pour sauver la jeunesse de l’ennui et cultiver ses élans.
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