René Girard

Une recension de Frédéric Manzini, publié le

Disparu en 2015, René Girard aurait eu 100 ans cette année, et c’est un hommage que son ami Benoît Chantre lui rend avec cette biographique qui est aussi le récit de l’épopée de la vie intellectuelle en France et aux États-Unis. Car si Girard a toujours conservé une certaine nostalgie pour son enfance avignonnaise, c’est outre-Atlantique qu’il a fait carrière, depuis les premiers postes précaires jusqu’à la reconnaissance à Stanford. Les 1 150 pages fourmillent d’anecdotes – durant ses années parisiennes, le jeune archiviste paléographe aurait dérobé des chartes médiévales pour en tapisser les murs de sa chambre. Mais ce sont surtout des textes inédits qui nous permettent de retracer les difficultés rencontrées par celui qui a révolutionné notre compréhension des conflits à l’origine des sociétés et du fonctionnement mimétique du désir. Ainsi de l’accueil mitigé reçu par Mensonge romantique et vérité romanesque, en 1961, les critiques n’y voyant qu’une théorie littéraire peu conventionnelle. C’est pourtant bien une anthropologie dont Girard commençait déjà à poser les fondements, comme on le voit dans une lettre éclairante – et jamais publiée à ce jour –, où il explique que les relations humaines sont sado-masochistes « aussi longtemps que nous faisons de l’Autre un dieu » mais qu’elles le cessent « lorsque l’Autre redevient ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : le Prochain ». Benoît Chantre l’interprète cependant dans une perspective plus religieuse, faisant de la Trinité chrétienne la puissance capable d’inverser « la logique infernale du désir triangulaire » quand elle promeut le Christ, non comme modèle à imiter mais comme voie à suivre dans son refus de toute transcendance humaine.

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