Singe toi-même 

Une recension de Frédéric Manzini, publié le

Homo sapiens occupe-t-il une place à part des autres animaux ? Est-il si différent des chimpanzés (Pan troglodytes) et des bonobos (Pan paniscus) ? Pour trancher ces questions récurrentes depuis Darwin, Alain Prochiantz, éminent neurobiologiste du Collège de France, se lance dans une génétique comparative qui étudie les structures des génomes, les cerveaux et leurs mécanismes de mutation. Il le fait sans renoncer à une vraie technicité, aussi précise que détaillée, qui découragera beaucoup de lecteurs (j’avoue n’avoir pas bien compris pourquoi la reverse transcriptase permet une transformation de l’ARN en ADN et une endonucléase, toutes deux portées par la protéine ORF2p, elle-même encodée par un messager polycistronique…). C’est le prix à payer pour être factuel dans ce débat qui ne l’est pas toujours, ou pas assez. Mais Prochiantz ne se contente pas de décrire, il prend également position, notamment contre l’antispécisme, la « mythologue naturaliste » et l’interprétation que certains tirent de l’idée que nous ne serions génétiquement éloignés des primates qu’à la hauteur quasi-négligeable de 1,23 % (bien qu’il ne soit pas cité, on pense à l’ethnologue Frans De Waal, dont l’ouvrage Le Singe en nous semble être celui auquel ce Singe toi-même répond). Montrant qu’un même génome peut se modifier et s’exprimer de façons variées, Prochiantz invite à le désacraliser et à chercher ce qui fait la spécificité de l’espèce humaine du côté de son développement essentiellement postnatal. Le « destin cognitif » de l’être humain et sa place étrange dans l’histoire de l’évolution en ressortent justifiés pour ce qu’ils sont : exceptionnels ou, pour reprendre l’adjectif qui revient sous la plume de Prochiantz, « monstrueux ».

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