Vilnius Poker
Une recension de Mehdi Belhaj Kacem, publié leSpécialisées dans l’exhumation de chefs-d’œuvre inconnus, les aussi intrigantes qu’excellentes éditions Monsieur Toussaint Louverture abattent un véritable premium sur le tapis. Écrit entre 1979 et 1987, Vilnius Poker est le Voyage au bout de la nuit lituanien.
Le héros s’appelle Vytautas Vargalys. Quinquagénaire rescapé du goulag, il traîne sa lucidité au bord de la folie dans la Vilnius des années 1970, capitale fantomatique d’une Lituanie anéantie par la succession de l’annexion polonaise, de l’horreur nazie et de l’occupation soviétique. Arrivent ensuite : son meilleur ami, génie mathématicien et jazzman atonal ; leur grand amour commun, une bombe sexuelle au QI inusité ; les flash-back de son ex-femme, de ses souvenirs de déportation, de son histoire familiale ; les considérations d’un chien au flair philosophique… Narrations et chronologies divergentes se télescopent en un chaos apparent, sans qu’on lâche le fil de l’histoire une seule seconde. On finit par comprendre : il s’agit d’une épopée fractale, très savamment ficelée, où le plus petit détail anecdotique renvoie au Macrocosme de l’Histoire tout entière. Chaque anecdote de l’enfer de Vilnius restitue le cauchemar qu’est l’Histoire où l’expérimentation du contrôle, de l’autodressage, de la torture et de la persécution est aussi ancienne que l’humanité elle-même. Dès son enfance, V. V. a compris : un complot immémorial vise à remplacer un à un les membres de l’humanité par ce qu’il appelle des « kanuk’ai ». Zombies ? Extraterrestres ? Automates parfaits ? OGM « transhumains » ? Tous les habitants de Vilnius sont soupçonnés, puis l’entourage de V. V., et, enfin, ce dernier en vient à se soupçonner lui-même. Ce complot a été planifié de longue date par l’un des plus grands philosophes de tous les temps (laissons au lecteur découvrir qui…) ; Staline n’était qu’un exécutant parmi d’autres, un « généticien » d’un certain type, ne faisant que contribuer à un programme bien plus vaste.
Kafka, Céline, Faulkner, Artaud, Beckett, Burroughs, Selby, Bernhard, Krasznahorkai, Gavelis… Il faut se rendre à l’évidence : 90 % des classiques de la littérature moderne, chaque fois sous forme singulière, se sont placés sous une forme ou une autre de « paranoïa critique ». Effroyable et génial.
Vilnius Poker, traduction : M. Le Borgne
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