“Apprécier”. Le nombre de soi-même
Quand on aime, on ne compte pas. Mais lorsqu’on «apprécie», les rapports humains pénètrent dans la sphère marchande. Et si nous revoyions la valeur de ce verbe à la baisse ?
La suffisance a son lexique. Elle ne dit pas « monsieur », elle dit « mon brave ». Elle répond « patientez ! » aux demandes urgentes et « peut-être, on verra… » aux demandes essentielles. Elle ne dit pas « à mon avis », mais « moi, j’crois que ». En un mot, elle n’aime pas, elle n’estime pas non plus, non, elle apprécie.
Pourquoi ce verbe est-il antipathique ? D’où vient le léger déplaisir, inavouable mais immédiat, qu’inspire aux autres celui qui, quand il reçoit ou contemple quelque chose, déclare soudain qu’il l’apprécie ? Pour qui se prend-il, celui-là ? Pour un juge dont la sentence est (littéralement) la réduction d’un objet (d’un geste ou d’un moment) à un prix. À l’autarcie d’un sujet qui aime ou qui déteste – et qui, disant cela, ne parle, humblement, qu’en son nom – se substitue la toute-puissance du type qui, appréciant, c’est-à-dire tenant ce qu’il aime pour aimable en soi, chiffre sa propre opinion et inflige à la chose, comme un prix unique, le régime de la quantité. À ce compte-là, le jugement n’est qu’un calcul, la valeur n’est qu’un prix, l’amateur n’est qu’un consommateur et l’amant n’est qu’un client. Apprécier, c’est oublier que quand on aime, on ne compte pas.
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