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Foret de Białowieża. Baptiste Morizot sur les marches d’une cabane d’affût à la tombée de la nuit. © Andrea Olga Mantovani

Hors-série “Vivre et penser comme un arbre”

Baptiste Morizot : premier contact avec la forêt primaire

Baptiste Morizot, propos recueillis par Sven Ortoli publié le 12 mai 2022 13 min

La photographe Andrea Olga Mantovani et le philosophe Baptiste Morizot sont partis dans la dernière forêt primaire d’Europe, à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie : Bialowieza, ultime témoin de ce qu’était notre continent il y a dix mille ans. Qu’apprendre ou réapprendre auprès de cette forêt primordiale ? Dans S’enforester (Éditions d’une rive à l’autre), livre écrit à quatre mains, le philosophe-voyageur explique pourquoi chacun de nous porte en lui le souvenir de ce lieu mythique.

 

Il existe en Europe une forêt qui est le sujet, dans tous les sens du terme, du livre S’enforester du philosophe Baptiste Morizot et de la photographe Andrea Olga Mantovani. Après avoir pisté la panthère des neiges au Kirghizistan, Baptiste Morizot est parti à la rencontre de la dernière forêt primaire d‘Europe, la forêt de Bialowieza, inchangée ou presque depuis la fin de l’ère glaciaire, il y a près de douze mille ans. Y entrer, c’est voyager dans le temps autant que dans l’espace. Toutes les autres forêts du continent européen ont été défrichées au Moyen Âge, avant d’être recréées par l’homme ou de repousser naturellement. La forêt de Bialowieza, elle, a échappé à tout, ou presque, jusqu’au xxe siècle. C’est ce qui fait l’aspect unique de ce quadrilatère croisé de 65 kilomètres sur 25, à cheval entre la Pologne et la Biélorussie, sur une ligne de fracture qu’on croyait effacée entre l’Est et l’Ouest. Un paradoxe de plus pour cette forêt qui n’en manque pas et dont Morizot écrit qu’elle est « de ces lieux du monde difficiles à décrire ou même nommer, tant s’y nouent des paradoxes et des temporalités multiples, écologiques et géopolitiques, historiques et préhistoriques, sociologiques et géologiques. » Entretien avec un philosophe-voyageur.


Pourquoi une forêt et pourquoi celle-ci ?

Baptiste Morizot : La forêt de Bialowieza est la dernière forêt d’Europe qui se déploie dans sa pleine expression, dans sa continuité historique, dans toutes ses puissances. C’est le dernier fragment d’une forêt primaire qui recouvrait toute l’Europe pendant des millénaires, jusqu’à ce qu’on la coupe pour faire des champs, des villes, et des pâtures. Elle est primaire, non pas au sens primitiviste et dualiste où elle serait vierge et intacte – en Europe, cela n’existe pas –, mais au sens où elle manifeste tout le bouquet des dynamiques écologiques immémoriales qui s’expriment dans une forêt quand l’exploitation forestière ne les conduit pas, ne les contrôle pas. C’est la dernière d’Europe à ne pas avoir été bouleversée par une histoire d’exploitation lourde.

Et pourquoi la forêt ? Ça, c’est important, selon moi. Je fais un pari peut-être, mais je crois que la forêt est un chemin privilégié pour changer de relation au vivant face à la crise écologique. L’écosystème forêt est vieux de plusieurs centaines de millions d’années. Dans sa trajectoire évolutive, la communauté du vivant a inventé ici une architecture riche et mobile, qui crée des habitats pour tous, à tous les étages, depuis la canopée jusqu’aux alliances entre racines et champignons. Selon moi, la forêt est le milieu par excellence qui nous rappelle la condition souvent oubliée de notre être-au-monde : à savoir que nous ne sommes pas responsables de l’habitabilité de ce monde, mais que c’est la biosphère, en tant qu’architecture vivante plus ancienne que nous, qui rend la Terre habitable pour nous humains, nous vivants.

La forêt nous abrite, nous façonne, nous soigne, nous nourrit dans toutes nos dimensions. Comme la biosphère, c’est une altérité plurielle qui construit de l’habitabilité pour les formes de vie, dont nous sommes. À la différence d’une ville, c’est un monde non fait de main humaine, mais un monde d’abord fait par le vivant, et dont nous recueillons les richesses, en négociant des modus vivendi. Prendre au sérieux la forêt, la pratiquer, la défendre constituent une propédeutique pour une autre cosmologie, pour d’autres relations au vivant. Et c’est une part de ce qu’il faut apprendre pour faire face aux bouleversements écologiques qui vont secouer ce siècle. Le réapprentissage commence ici.

 

À quoi vous attendiez-vous ? S’agit-il d’une expérience puissante ?

C’est assez bouleversant. La forêt primaire de Bialowieza est troublante parce que, quand on l’explore, l’on se rend compte que ce sont nos arbres quotidiens qui la peuplent : des charmes, tilleuls, épicéas, chênes et pins. Et pourtant, là-bas, les chênes séculaires, colosses-cathédrales, semblent presque d’une autre espèce que les versions amoindries, anémiées, rapetissées qu’on voit souvent en France. Tilleul et écureuil semblent d’une familiarité confondante ; or, la communauté des végétaux a maintenu, là-bas, une toile de la vie étrange, vertigineuse, ajustée par des coévolutions vieilles comme le monde, tissant mille passés.

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