Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher
Arts. Théâtre

Bruno Latour: “Gaïa Global Circus”, une tragi-comédie climatique

Cédric Enjalbert publié le 25 novembre 2013 5 min

Le philosophe des sciences et anthropologue Bruno Latour, star des campus américains, a mené un projet théâtral novateur intitulé “Gaïa Global Circus”. Il explique cette expérience théâtrale présentée dans le cadre du festival Reims–scènes d'Europe, qui se tient du 28 novembre au 14 décembre 2013 sous le signe de l'environnement.

Philosophie magazine. Quelle est l’origine du projet Gaïa Global Circus ?

Bruno Latour. Le fondement de ce drame écologico-politique est un constat simple : nous n’habitons plus le même monde. Le décor a changé ; ce n’est d’ailleurs plus un décor mais un acteur, qui agit sur nous et sur lequel nous agissons. Il nous menace mais nous sommes très peu mobilisés. Pourquoi ? Parce que nous manquons encore des outils sensibles pour appréhender cette transformation profonde.

 

Quelle est cette transformation ?

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : l’Anthropocène, et nous devons à présent faire face à un nouvel acteur : Gaïa.

 

Gaïa, qui est-ce ?

Gaïa est un être étrange, hybride. Le terme a été repris par le savant anglais James Lovelock. En grec, il signifie le système-Terre, la déesse mère. Mais Gaïa n’est pas la nature. C’est une puissance d’agir plus locale qui possède certes des caractéristiques de « l’ancienne nature » mais aussi du monde politique et qui dépend de nous en partie.

On dit parfois de la Terre qu’elle se venge. Ce sont des formes d’actions que l’on n’attribuait par exemple pas à la nature, ni au sens de ce qui se déroule indifféremment de nos actions humaines, ni de ce qu’il faudrait dominer.

 

Comment est-elle représentée ?

Ce nouvel acteur est représenté sur scène par un dispositif scénique agité que l’on appelle « Canopée » ou « Vélum », voire marionnette. Il emprunte aux techniques oubliées du théâtre baroque qui veut faire de la scène un « theatrum mundi ».

Le décor est ainsi un acteur à part entière. C’est avec lui que les acteurs jouent et sur lui que repose le moteur de ce drame. Il demeure de bout en bout une énigme, car personne, de même, ne saurait dire au juste quel est ce monde sur lequel on agit et qui agit sur nous.

 

« Dramatiser les problèmes de la science afin d'être compréhensibles des scientifiques et des adolescents »

Pourquoi « global circus » ?

Gaïa Global Circus se veut une « tragi-comédie climatique ». Le ton est inhabituel : ni strident et catastrophiste, ni militant ou pédagogique. Il emprunte au cirque ce ton singulier, léger sans être comique. En outre, le projet se développe également à travers des petites formes : on se sert du spectacle pour discuter partout du sujet. Il n’est pas lié spécifiquement à la forme théâtrale.

L’enjeu était avant tout d’aborder avec sérieux la situation de conflit dans laquelle se trouve l’homme à l’ère de l’Anthropocène, c’est-à-dire de dramatiser les problèmes de la science afin qu’ils soient compréhensibles tout à la fois des scientifiques de haut niveau et des adolescents en formation.

 

Ce que vous appelez cela le « théâtre de la preuve »…

Gaïa Global Circus cherche à tracer une voie entre deux traditions : d’un côté, le théâtre scientifique, une grande tradition du siècle dernier, pédagogique, très présente dans le monde anglo-saxon, qui ennuie à peu près tout le monde ; de l’autre, des tentatives menées notamment par Jean-François Peyret en France, qui tentent une esthétisation de la science.

Gaïa Global Circus essaie au contraire d’entrer dans le drame interne des sciences. J’ai démontré souvent qu’une bonne expérience est une situation théâtrale de dramatisation. Il ne s’agit pas pour autant ici de porter sur scène les problèmes scientifiques : les allusions aux sciences sont mises de côté.

Le but est d’affiner la sensibilité aux problèmes écologiques, en s’inquiétant de savoir ce qui rend une preuve convaincante. La science ne doit pas être extraite artificiellement du reste de la culture.

 

« La meilleure façon de reprendre les questions de politique, de science et de morale est de faire voie à la controverse »

En cela vous êtes fidèle à votre héritage pragmatiste…

Oui. J’ai exploré notamment dans les Politiques de la nature et dans l’exposition Making Things Public le décalage entre l’importance des enjeux et l’étroitesse du répertoire de sensations avec lequel nous nous saisissons de ces questions. Notre discours sur les sciences ne cesse de séparer les sciences et le reste, les sujets et les objets, les faits et les valeurs alors que la pratique les a toujours mêlées.

En tant que pragmatiste, je soutiens que la meilleure façon de reprendre les questions de politique, de science et de morale est de faire voie aux notions d’expériences, de disputes, de controverses… si contraires au rationalisme français !

 

Le théâtre est-il le lieu privilégié de cette controverse ?

Le théâtre n’est pas le seul moyen de développer cette sensibilité. Mais il a pour lui de pouvoir présenter tous les conflits simultanément. Son mouvement ne sacrifie rien de la complexité des sujets dont il s’empare. Il permet d’explorer la gamme des passions correspondant aux enjeux écologiques et politiques contemporains, en faisant ressentir les conflits que pose notre position sur Terre.

 

« Favorisons les interférences ! »

Plus concrètement, que signifie creuser ces controverses ?

Il est important que le théâtre, la musique et la danse, les conférences, les petites formes, les débats et les rencontres, entrent en résonance et construisent une sensibilité commune, ce qu’on appelle la culture. Favorisons les interférences !

Je dirige ainsi depuis quelques temps à Sciences-Po une École des Arts politiques. Son mot d’ordre est le suivant : «Il ne s’agit dans cette école ni de science, ni de politique, ni d’art : quel que soit le métier d’où l’on parte — chercheur, politique, artiste — la tâche est en avant de ces disciplines et n’appartient d’emblée à aucune d’entre elles.»

Car les installations de l’artiste Tomás Saraceno et les essais du philosophe Peter Sloterdijck, par exemple, le cinéma de Lars von Trier ou le théâtre musical de Christoph Marthaler, par delà leurs grandes différences, sont au fond attentifs à une même situation, un même phénomène, une même atmosphère, participant à la création progressive d’une esthétique commune, au sens d’un «partage du sensible» : la confrontation des Terriens avec Gaïa et l’émergence de nouvelles responsabilités.
 

Le programme complet du festival Reims – Scènes d'Europe >>

 

Informations
Gaïa Global Circus
Conception et écriture: Bruno Latour
Texte pour la scène: Pierre Daubigny
Mise en scène: Frédrique Aït-Touati et Chloé Latour
Avec: Claire Astruc, Luigi Cerri, Jade Collinet, Matthieu Protin
Scénographie: Olivier Vallet
Lumières: Olivier Vallet et Benoît Aubry
Costumes: Elsa Blin
Musique: Laurent Sellier
Durée: 1h45
Production: Cie AccenT et Soif Cie
Coproduction: la Comédie de Reims–CDN / Reims Scènes d’Europe, Festival de la Novela, Toulouse
Soutiens: DRAC Île-de-France, CNES – La Chartreuse, Mairie de Toulouse, The BayerischerRundfunk, ZKM - Karlsruhe, Le Ministère français de l’écologie (MEDDTL), Imagine 2020, NA Fund
 
La Comédie de Reims – Centre dramatique national
3, chaussée Bocquaine - 51000 Reims
Le 30 novembre et 1er décembre 2013 à 20h 
Réservations : 03 26 48 49 00
www.lacomediedereims.fr
Tournée:
- le 29 janvier au ZKM, Karlsruhe (Allemagne)
- le 30 avril 2014 au Théâtre du passage, Neuchâtel
- prévue aux États-Unis et au Brésil en 2014-2015
Pour aller plus loin
Le grand entretien avec Bruno Latour. « Je crois en une philosophie empirique »
L'enquête menée avec Bruno Latour à travers Paris
La lecture par Bruno Latour d'Énigmes et Complots. Une enquête à propos d’enquêtes de Luc Boltanski
La présentation de la notion d'Anthropocène
Le dossier: « La bombe écologique. Changer le rapport de l’homme à la nature »
L'entretien avec Isabelle Stengers: « La science n’est pas une conquête mais une aventure »
L'entretien avec Michel Serres: « Philosopher, c’est anticiper »

 

Expresso : les parcours interactifs
Quel(le) amoureux(se) êtes-vous ?
Quel est votre profil d'amant(e) ou d'amoureux(se) ?
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
18 min
Bruno Latour, les pieds sur Terre
Alexandre Lacroix 22 octobre 2015

Dans son dernier essai, le philosophe des sciences Bruno Latour reprend – et affine – la fameuse « hypothèse Gaïa » qui fait de notre planète un…

Bruno Latour, les pieds sur Terre

Article
5 min
Bruno Latour : de Gaïa à la libération du corps
Alexandre Lacroix 27 octobre 2022

Bruno Latour nous a donné, au cours des années, plusieurs entretiens. Voici une sélection de quelques réponses qui permettent d’entrer dans son…

Bruno Latour : de Gaïa à la libération du corps

Article
9 min
Bruno Latour : “L’histoire terrestre entre dans l’histoire humaine”
Sven Ortoli 25 août 2020

L’activité humaine altère plus vite, profondément et durablement que jamais l’environnement qui, en retour, affecte les conditions d’existence des…

Bruno Latour : “L’histoire terrestre entre dans l’histoire humaine”

Entretien
22 min
Bruno Latour : “Nous sommes en situation de guerre planétaire !”
Alexandre Lacroix 18 février 2021

Il est l’un des philosophes les plus influents au monde. L’auteur du récent Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres  se…

Bruno Latour : “Nous sommes en situation de guerre planétaire !”

Entretien
14 min
Bruno Latour : “Je crois en une philosophie empirique”
Patrice Bollon 30 juin 2010

Philosophe, anthropologue, sociologue des sciences, Bruno Latour se définit comme l’un des rares pragmatistes français. Célébré à l’étranger, mal…

Bruno Latour, les pieds sur Terre

Article
7 min
Pierre Charbonnier : “La préoccupation écologique n’était pas absente du scrutin, elle s’est simplement tournée vers Jean-Luc Mélenchon”
Jean-Marie Durand 11 avril 2022

Le score très bas de Yannick Jadot, candidat d’Europe Écologie Les Verts, au premier tour de la présidentielle (4,6%) est l’une des surprises…

Pierre Charbonnier : “La préoccupation écologique n’était pas absente du scrutin, elle s’est simplement tournée vers Jean-Luc Mélenchon”

Article
2 min
Conférence de Martin Legros au Théâtre de l’Œuvre à Marseille le 20 octobre
03 octobre 2023

Gagnez des places pour deux conférences au Théâtre de l’Œuvre à Marseille le 20 octobre à 20H : « Machiavel en Ukraine » et «…

Conférence de Martin Legros au Théâtre de l’Œuvre à Marseille le 20 octobre

Le fil
3 min
“Ne parlons pas de Bruno” : et s’il s’agissait de Bruno Latour ?
Frédéric Manzini 14 février 2022

La chanson « Ne parlons pas de Bruno ! », tirée du dernier long métrage animé de Walt Disney, Encanto, connaît un immense succès au point…

“Ne parlons pas de Bruno” : et s’il s’agissait de Bruno Latour ?

À Lire aussi
Bruno Latour : un philosophe terrestre
Bruno Latour : un philosophe terrestre
Par Alexandre Lacroix
octobre 2022
Le Souper des cendres
Le Souper des cendres
novembre 2021
Côme de Bellescize : « Le théâtre, école de la complexité »
Côme de Bellescize : « Le théâtre, école de la complexité »
Par Cédric Enjalbert
septembre 2013
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Bruno Latour: “Gaïa Global Circus”, une tragi-comédie climatique
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse