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Parcours

Bruno Latour, un antimoderne éclairé à Paris

Catherine Portevin publié le 05 octobre 2012 13 min

Son dernier livre est un monument. Le philosophe entreprend de ravaler notre conception de la modernité, de ses valeurs et de ses institutions. Paris, où justice, politique, religion, science s’incarnent dans la ville, est un parfait terrain de jeu pour rendre sa pensée concrète. Plan en main, il nous sert de guide pour un voyage sans balises.

 

Nous avons rendez-vous avec Bruno Latour dans son bureau à Sciences-Po où le philosophe occupe la digne fonction de directeur scientifique. Son dernier ouvrage, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes (La Découverte), pèse son poids dans notre sac : une œuvre monumentale, somme et sommet du chemin que trace cet inclassable depuis vingt-cinq ans, sûrement le livre phare de la rentrée 2012. Son ambition ? Rien moins que redéfinir toute la modernité, ses valeurs et ses institutions. « Nous n’avons jamais été modernes », affirmait-il en 1991 dans un livre programmatique (La Découverte, traduit en trente langues), du moins si « être moderne » consiste à croire à la Raison comme s’opposant à la croyance, à penser la séparation entre esprit et matière, nature et culture… Ces distinctions dogmatiques, allègrement contredites par nos pratiques, nous ont aveuglés sur nous-mêmes et nous ont empêchés, selon Latour, de rencontrer ces « autres » que nous avons voulu voir comme si radicalement « autres ».

À l’heure où l’ego européen flageole sur ses certitudes jusqu’à être tenté de « revenir à ses fondements », tandis que le reste du monde se modernise à grande vitesse, l’enjeu de la démarche est de taille : à quelles valeurs tenons-nous vraiment ? De quoi pouvons-nous hériter pour nous présenter avec justesse face aux autres cultures et construire enfin « un universalisme pratique qui n’opprime personne » ? Il s’agit du monde commun.

La méthode de l’anthropologue des Modernes est de revenir sur Terre, d’enquêter sur les pratiques. De là seulement peuvent émerger les valeurs. Notre homme est un pragmatiste et un empiriste : l’expérience, rien que l’expérience mais pas moins que l’expérience, est le seul chemin vers la compréhension du réel.

Pour suivre Bruno Latour, rien ne vaut donc mieux que du concret. Partir des lieux, des bâtiments, des traces sur le terrain. Sur la table de son bureau, nous déplions alors un plan de Paris, nous souvenant de son Paris, ville invisible (Les Empêcheurs de penser en rond, 1998, ouvrage accompagnant l’exposition du même nom), où il dessinait une cartographie inédite de la capitale en révélant l’enchevêtrement des réseaux dont elle est fabriquée (rues, rails, fils, tuyaux…). Cet homme aime regarder le monde horizontalement. Notre rectangle de papier l’enchante pour ces travaux pratiques : une randonnée imaginaire dans un autre « Paris invisible », les institutions des Modernes à partir de leur incarnation dans les monuments de la ville. « Le plan d’une ville, constate-t-il, raconte bien l’écheveau de relations entre les institutions. Vous avez la Sainte-Chapelle au cœur du Palais de Justice, dans cet imbroglio typique de la modernité. C’est ça une ville, c’est ça une civilisation : un patchwork de pratiques, d’institutions et de valeurs très diverses. »

 

Première étape qu’il désigne sur le plan : le Collège de France, institution de la connaissance, du savoir, de la Science, située en haut de la montagne Sainte-Geneviève. Immédiatement, le regard de Bruno Latour détruit le surplomb pour déployer le réseau : « Il faut élargir la notion d’institution pour capturer non pas “la Science” mais la pratique scientifique. Repérons son maillage historique », propose-t-il en pointant sur le plan l’Observatoire de Paris (créé sous Louis XIV), l’Institut Pasteur (à la fin du XIXe siècle), le Conservatoire des arts et métiers (fondé à la Révolution française), puis la station météorologique du parc Montsouris, l’Institut national de standardisation près de la porte de Versailles, plus la Sorbonne et les grandes écoles. Et il faudrait élargir la carte pour y faire figurer la prolifération de centres de recherche dans les campus de la région parisienne et d’ailleurs. « L’universalité des sciences est une universalité de type “chemin de fer” ou “réseau numérique”, commente Latour. Un plan de Paris montre bien ce tissu très fin de domaines, de lieux et de pratiques. La science a besoin de cet équipement et de sa lourdeur. Il lui faut des laboratoires, des salles de cours, des bibliothèques, des trajets pour aller des uns aux autres, il lui faut des matériaux, des techniciens, des machines, des livres, des colloques, des administrations… » Sinon, à se penser « hors sol », la science s’expose à produire un modèle de la connaissance qui se confondrait avec la Vérité absolue.

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