À contre-pied de l’opinion

Victorine de Oliveira publié le 2 min

Max Weber est l’un des pères de la sociologie dont l’œuvre reste largement méconnue du grand public. Pourtant, son ambition de faire de la sociologie une science reste plus que jamais pertinente pour penser un monde où l’opinion grignote peu à peu le terrain de la vérité.

Alors qu’en France, Émile Durkheim (1858-1917) propose une méthode sociologique qui fait des individus la partie d’un tout qui les dépasse, Max Weber (1864-1920) oriente la discipline dans une autre direction, celle de l’individualisme méthodologique. Il serait tentant d’évoquer un duel entre ces deux figures fondatrices de la sociologie. Mais il est plus juste de reconnaître que les deux écoles se sont ignorées pendant de longues années, la France et l’Allemagne n’étant pas particulièrement avides d’échanges intellectuels lors de la première moitié du XXe siècle. Quand Durkheim définit la société comme « avant tout un ensemble d’idées, de croyances, de sentiments de toutes sortes, qui se réalisent par les individus », Weber inverse la proposition : par leurs actes, les individus défendent un certain nombre de valeurs, d’idées. Ce postulat le conduit à prendre le contre-pied d’une autre figure tutélaire des sciences sociales : Marx. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Weber avance que l’essor de ce mode de production n’est pas uniquement le résultat de l’accumulation du capital entre un nombre restreint de mains, mais l’expression dominante de valeurs portées par le protestantisme comme l’épargne, la sobriété et l’ascétisme. « Passer son temps en société, le perdre en “vains bavardages”, dans le luxe, voire en dormant plus qu’il n’est nécessaire à la santé – six à huit heures au plus –, est passible d’une condamnation morale absolue. […] Le temps est précieux, infiniment, car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt à la gloire divine » : ainsi Weber résume-t-il cette morale protestante plus propice à l’accumulation des richesses qu’à la dépense. Il ouvre ainsi de nouvelles perspectives de compréhension : certes, les êtres humains sont portés par l’appât du gain… tout en défendant des valeurs.

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