Dans la tête des “agros” : à la rencontre des étudiants d’AgroParisTech au Salon de l’agriculture

Ingénieurs agronomes en formation, les étudiants d’AgroParisTech sont censés réinventer l’agriculture. Comment perçoivent-ils la colère du monde agricole et la politisation croissante de leur secteur d’activité ? Nous sommes allés à leur rencontre au Salon de l’agriculture 2024.

L’odeur vous saisit aux narines dès l’entrée. Nous sommes au Hall 1 du Salon de l’agriculture – l’espace dédié aux « animaux de la ferme ». C’est là que les visiteurs se pressent pour voir veaux, vaches, cochons, et que les petits Parisiens découvrent, pour la première fois souvent, ce dont se nourrit une chèvre ou comment on trait une laitière. En cet après-midi de semaine, l’ambiance est relativement calme. Les curieux font des selfies avec Oreillette, vache normande à l’élégante robe caille et bringée devenue égérie du Salon, qui les observe sans broncher. Parquées dans leurs enclos, les colossales blondes d’Aquitaine dégagent une force tranquille, imperturbables malgré le défilé des visiteurs. Une sérénité qui tranche avec les heurts de samedi dernier, lorsque des agriculteurs ont forcé le passage pour manifester leur mécontentement au président de la République venu inaugurer la grand-messe annuelle. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase : l’idée d’Emmanuel Macron d’inviter « Les Soulèvements de la Terre », mouvement écologiste connu pour ses actions choc, à la grande discussion prévue avec les syndicats. Le monde agricole est en crise, tout le monde le sait ; mais en plus de cela, il est profondément divisé. Quels sont les points communs entre un petit maraîcher bio et un grand céréalier de la Beauce ? Le dialogue entre écologistes et FNSEA est-il seulement envisageable alors que de nombreux agriculteurs croulent sous les dettes et peinent à appliquer les innombrables règles de l’Union européenne ?

C’est dans cette atmosphère hautement inflammable qu’évoluent les étudiants d’AgroParisTech. Formés pour devenir ingénieurs agronomes, ces jeunes ont précisément pour mission de trouver des solutions afin d’aider les agriculteurs à faire face aux changements qui bouleversent leur activité ancestrale – qu’ils soient économiques ou climatiques. Comment vivent-ils la politisation à outrance du secteur dans lequel ils sont censés travailler ? Marie, étudiante spécialisée en élevage, nous accueille devant l’enclos où somnole Rumba, la vache qui représente l’école. Elle rigole en me voyant glisser sur une bouse – « l’or fumier », comme le qualifiait Victor Hugo, a la fâcheuse tendance de coller aux vêtements. « J’ai été surprise par le caractère très politique du Salon », nous confie-t-elle. « La journée de samedi a été oppressante. Les cris, les CRS… ça fait peur aux gens – et aux animaux ! Depuis, on a droit au défilé des politiciens. Valérie Pécresse, Anne Hidalgo… Tous sont passés nous voir. On sent qu’ils tiennent à montrer leur intérêt pour l’agriculture. »