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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Scarlet Ellis/Unsplash

Tribune

Et l’espérance dans tout ça ?

Laurence Devillairs publié le 11 janvier 2021 4 min

Alors que les retours d’épidémie, les reconfinements et les secondes vagues incitent au désespoir, la philosophe Laurence Devillairs nous propose aujourd’hui d’entretenir l’espoir. 

Souvent perçu comme un doux rêve, l’espoir est pour elle la « passion du possible », une force d’agir devant l’incertitude qui permet « de gonfler le présent de futur, se lancer, oser, se décider ». Laurence Devillairs s’appuie ici sur le philosophe Ernst Bloch (1885-1977), auteur du Principe Espérance (3 volumes, 1944, 1955 et 1959 ; trad. fr. Gallimard). « La vie de tous les hommes est sillonnée de rêves éveillés », écrit ainsi ce marxiste dissident. Avec Devillairs et Bloch, on vous souhaite de beaux rêves éveillés.

La tribune de Laurence Devillairs

L’espoir est mal vu, par la philosophie… et par nous aussi. Trop religieux, trop illusoire, pas assez responsable, pas assez raisonnable. Une véritable passion triste, irréaliste et mensongère, faite de plus de peur que de certitude. Pourquoi s’en remettre à ce qui ne viendra peut-être pas ? Pourquoi faire dépendre notre bonheur de ce que nous ne maîtrisons pas ? « Nec spe, nec metu » (ni espoir ni crainte), cette devise stoïcienne, largement reprise par les Modernes, Descartes et Spinoza, est en réalité le programme que s’est donnée presque toute la philosophie. 

Il a fallu attendre le XXe siècle et un marxiste – dissident, certes –, Ernst Bloch, pour explorer ce territoire aussi inconnu, selon lui, que les terres blanches de l’Antarctique. Ce qu’il a montré dans les trois volumes du Principe espérance, parus en 1944, 1955 et 1959, c’est d’abord que la religion n’a pas le monopole de l’espérance ; ensuite que cette passion n’est pas une passion parmi d’autres, mais qu’elle en est le point de départ, la source : vouloir, faire, désirer, et même penser, c’est nécessairement espérer. 

Espérer, c’est gonfler le présent de futur, se lancer, oser, se décider. Et comme jamais un coup de dé n’abolira le hasard, c’est répondre par nos actes et nos paroles à cet incertain des lendemains. C’est conjurer la peur de ce qui vient, et la tristesse de ce qui, hélas ! ne viendra pas. C’est agir quand même. Et voilà résolue cette vieille antienne qui oppose pessimisme et optimisme : ni l’un ni l’autre, il n’y a pas plus de raisons de trembler que de s’impatienter. Le pire comme le meilleur sont toujours possibles. Mais précisément, ce qui compte, c’est de ménager la place au possible, « cet espace non clos, ce lieu de naissance qui s’ouvre devant nous », comme le définit Bloch. Et cette passion du possible, c’est l’espoir. « La vie de tous les hommes est sillonnée de rêves éveillés », soutient encore Ernst Bloch, cette « part qui stimule, qui empêche que l’on s’accommode à l’existant néfaste et que l’on renonce ». 

Il faudrait nous défaire de ces conceptions qui font de l’espérance une fuite, une lâcheté à affronter la réalité. Car espérer est au contraire une forme de courage : courage de voir plus loin, de refuser l’immobilité, les situations figées et toutes ces fatalités commodes qui font ne rien tenter : « En conjuguant le courage et le savoir, l’homme empêche que l’avenir ne s’abatte sur lui comme une fatalité, il le conquiert et y pénètre avec tout ce qui est sien. » L’espoir n’est pas une croyance, un rêve, ni un vœu pieux, c’est ce qui nous fait avancer. Un carburant, si l’on veut. C’est un défi que nous lançons au réel, implacable, incertain, indifférent. Rien n’est écrit, rien n’est fini, rien n’est sans issue. 

C’est cela que dit l’espoir. Et il le dit dans nos fidélités, nos pardons, nos projets et nos créations – tout ce qui donne un peu de profondeur, de perspective à nos vies. L’espoir est bien de ce monde ; ce n’est pas une projection vers un au-delà ou un ailleurs qui ne viendra pas. C’est une dissidence, une modalité de notre volonté, sa soif d’autre chose. Apprécier et aspirer, comprendre et attendre, accepter et œuvrer à ce qui n’est pas encore : il faut conjuguer tous ces temps, ne pas s’en tenir au seul présent. L’unique philosophe qui ait, avant Ernst Bloch, accordé une place à l’espérance, c’est Leibniz. Il la définit comme notre horloge intérieure, ce mouvement intime et fondamental qui nous tient en haleine, ces « petites sollicitations », ces envies et désirs, même minimes, qui nous pressent d’inventer du neuf, de tenter de l’inconnu. Rien de révolutionnaire, mais jamais rien de statique non plus. 

Espérer n’est ni un leurre ni une fuite. C’est affirmer simplement que le réel ne suffit pas. Qu’il nous faut entrevoir ce qui n’est pas encore. À nous qui avons expérimenté comme jamais ce que signifie vivre entre quatre murs, avec nos besoins dits essentiels, il nous revient maintenant plus qu’avant de cultiver l’espoir, avec lucidité, mais audace aussi. Il nous incombe de renouveler les solutions. De refuser la peur et les consolations pour privilégier l’action, malgré tout. Il n’y a pas de honte à espérer. 

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À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
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