“Petite Philosophie de la mer”, une odyssée existentielle

« C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », chantait Renaud. Ta-ta-tin, la philosophe Laurence Devillairs, si elle avait cherché à réécrire la chanson, dirait plutôt : « C’est la mer qui reprend l’homme », qui le réfléchit et l’éclaire, le questionne et le stimule. La mer nous tend un miroir dans lequel chacun se voit et se comprend mieux. Comme si ses flots constituaient des reflets de nos propres modes d’existence, de nos joies et de nos tourments, de nos aspirations et de nos empêchements. « En un mot, la mer, c’est la vie. Et plus encore : le sens de la vie. Elle dit ce qu’exister signifie », écrit-elle dans son dernier ouvrage, Petite Philosophie de la mer. Où, par vagues successives, comme autant de chapitres explorant les eaux souterraines de nos affects, elle se met à l’écoute de ce que la mer nous apprend.

Sur le sable, face à la mer, c’est notre vie que l’on contemple. « La mer n’est pas un paysage. C’est une apparition. On n’en fait pas le tour, on peut difficilement en décrire l’aspect et les contours. Elle ne s’explore pas vraiment, elle s’impose, insondable, impénétrable », estime la philosophe. Le pari accompli du livre procède de ce geste d’accueil de l’insondable ; la mer « s’impose » ici en ce sens qu’elle dépose les mots qu’elle charrie malgré elle, comme des algues recouvrant la plage après le passage de la marée. Ce que nous avons à apprendre de la mer, suggère Devillairs, ce sont moins ses secrets à elle que ses propres dépôts, son pouvoir de nous révéler à nous-mêmes nos propres secrets. Apprenons à nous mettre à l’écoute de la vérité qu’elle nous délivre. La mesure de la mer ouvre à la démesure de notre condition terrestre.