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© Pierre-Emmanuel Rastoin pour PM

Étienne Balibar, Hubert Védrine. Au chevet de l’Europe

Étienne Balibar, Hubert Védrine, propos recueillis par Martin Legros publié le 25 août 2010 13 min

Étienne Balibar, philosophe « gauche de gauche », et Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères, ont une vision très différente de l’histoire et de la politique. Mais ils s’entendent sur un point : si l’Europe ne devient pas un pôle capable de résister à la mondialisation, elle va se désintégrer.

Ils appartiennent à deux mondes. Hubert Védrine, politique d’intelligence supérieure, ancien ministre des Affaires étrangères après avoir été Secrétaire général de l’Élysée sous François Mitterrand, est considéré comme le « Kissinger » européen. Inventeur du concept d’hyperpuissance, critique des illusions droit-de-l’hommiste (Continuer l’histoire et Le Temps des chimères, Fayard), il est capable, face aux situations les plus inextricables, de démêler l’écheveau des rapports de force pour déterminer le chemin de l’action efficace. Étienne Balibar, lui, est le philosophe français le plus écouté en Europe et aux États-Unis. Ancien professeur à Nanterre, il s’est initié à la philosophie aux côtés de Louis Althusser à l’École normale supérieure, et a contribué à Lire Le Capital, référence des communistes des années 1960, avant de procéder dans La Crainte des masses (Galilée) ou La Proposition de l’égaliberté (PUF) à une réévaluation de l’idéal démocratique. Face à l’Europe, l’un en appelle à la responsabilités des dirigeants français et allemands, l’autre court à Athènes pour défendre le peuple européen. (Des interventions reprises dans L’Europe, crise et fin ?, Le Bord de l’Eau.) Le philosophe et le conseiller se sont retrouvés, au Montalembert, à Saint-Germain-des-Prés, pour mettre sur la table les éléments du diagnostic vital de l’Europe.

 

Hubert Védrine : Je ne vois pas la construction européenne comme une grande et belle ambition fédéraliste collective qui se serait hélas ! enlisée dans les sables, la géopolitique prime. À mes yeux, les pères fondateurs sont d’abord Staline et Truman, avant même Monnet et Schuman. S’il n’y avait pas eu la menace soviétique après la guerre, si les États-Unis n’avaient pas crée l’alliance atlantique et fait le plan Marshall, rien ne se serait fait. Ce n’est pas l’Europe qui a fait la paix, c’est la paix qui a permis l’Europe. Ensuite, certains dirigeants européens visionnaires ont décidé de profiter de cette situation pour créer quelque chose d’inédit. Leur approche était concrète : communauté du charbon et de l’acier, marché commun, etc. Petit à petit, des courants de pensée ont bâti, à partir de là, l’utopie des États-Unis d’Europe. Ce qui s’effondre aujourd’hui, ce n’est pas l’Europe, mais les mythes européistes. En réalité, l’Europe est d’abord l’enfant d’une situation géopolitique, pas la mise en œuvre d’un extraordinaire projet historico-moral.

 

Étienne Balibar : Je suis né en 1942, vous êtes un peu plus jeune que moi, mais notre génération a hérité de la précédente une utopie positive et mobilisatrice, celle de la réconciliation. L’Europe était allée à la catastrophe, elle avait plongé du fait des nationalismes dans une forme d’autodestruction. Il fallait, sous peine de disparaître, dépasser les souverainetés nationales et se réconcilier. L’utopie est donc un ingrédient constitutif de la construction européenne.

 

H. V. : La « réconciliation franco-allemande », inlassablement répétée, n’est pas à l’origine du projet européen. Le cadre européen lui a servi d’abri favorable. Pour que la dissuasion soit efficace face à l’URSS, les Américains avaient besoin que l’Allemagne soit dans le coup – ce qui n’a pas été facile à faire accepter. Ce n’est que plus tard, a posteriori, qu’on en a fait un « moteur ».

 

É. B. : Disons que la réconciliation, instrumentalisée par la politique de la guerre froide, est devenue, du fait de la transformation de l’esprit des peuples, un objectif en soi. Mais d’une manière générale, l’effet de la guerre froide sur la construction européenne m’apparaît plus ambivalent. L’URSS ne représentait pas seulement une menace, mais aussi un défi. Elle a joué un rôle d’aiguillon pour la mise en place du modèle social européen, qui n’aurait jamais vu le jour si les gouvernements et les opinions occidentales n’avaient pas pensé que des formes sauvages d’exploitation capitaliste conduisaient à l’explosion sociale, sinon au communisme, qu’il fallait généraliser la concertation entre le capital et le travail. Ce modèle est aujourd’hui au cœur de l’identité européenne, les peuples le voient, à tort ou à raison, comme un rempart contre la mondialisation libérale sauvage. D’accord donc pour penser que la guerre froide est le cadre initial de l’Europe, mais sous réserve d’analyser de manière plus dialectique les effets de ce cadre sur la construction européenne : en chemin, le Meccano géopolitique est devenu une fin en soi.

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