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Domaine national de Saint-Cloud (92), le 27 août 2023. Julian Casablancas, le chanteur du groupe de rock “The Strokes” durant la 20e édition du festival Rock en Seine. © Anna Kurth/AFP

La fatigue bergsonienne des Strokes

Victorine de Oliveira publié le 30 août 2023 3 min

« S’agit-il d’un plantage, d’un ratage, d’un naufrage ? À ce niveau de débâcle, on peut se permettre de chipoter sur la qualification de l’événement, à un niveau de détail inversement proportionnel au marasme auquel 40 000 personnes ont eu le privilège d’assister dimanche soir sur la pelouse de la grande scène à Rock en Seine.

Pour son vingtième anniversaire, le festival Rock en Seine avait vu grand, avec la popstar Billie Eilish en ouverture des festivités, et le groupe The Strokes en clôture dimanche soir. Au fur et à mesure que la dernière journée du festival suivait son cours, avec les concerts des électriques The Murder Capital, Amyl and The Sniffers, et des plus ronrons Foals, on sentait la tension et l’excitation monter. Quelle stratégie adopter pour ne pas se retrouver à mille bornes de la scène ? À quelle heure quitter les lieux du précédent concert, sachant qu’il faudrait vider sa vessie et recharger son godet avant de se diriger vers la grand-messe ? La plupart des festivaliers sont rodés à l’exercice de l’attente dans des files parfois interminables – mention spéciale pour les toilettes des femmes. Disons que cela fait partie du jeu.

Rien ne préparait cependant cette foule de plus en plus dense et expectante au spectacle désolant qui allait suivre. Malgré chaque performance précédente entamée pile à l’heure, parfois même avec une ou deux minutes d’avance, les Strokes montent sur scène avec sept minutes de retard – pas encore de quoi jeter des tomates sur scène, me direz-vous. On ne sait pas encore que le spectacle sera amputé d’une bonne dizaine de minutes, sans un au-revoir. Le temps de quelques tubes enchaînés collé-serré (What Ever Happened, Alone Together, Last Nite), le public exulte de voir enfin les New-Yorkais s’enflammer. Mais très vite, l’inquiétude gagne les visages : le son se met à sauter en mode disque rayé, et Julian Casablancas, le chanteur du groupe, aligne les interventions gênantes qui cherchent clairement à jouer la montre. Il semble sur une autre planète – celle où un cachet d’un million d’euros dispense visiblement de livrer une prestation décente à des personnes qui ont payé 75 euros leur entrée en pleine période d’inflation.

“Oui mais c’est aussi ça le rock”, ont commenté certains. Certes, le rock a beaucoup chanté la lose, sans parler d’être incarné par des personnalités qu’on aime justement parce qu’elles n’ont pas le sourire bien aligné des héros triomphants. Les Strokes, comme beaucoup d’autres, ont bâti des chansons entières sur une certaine lassitude de vivre, une fatigue à être – il y a clairement des lendemains de soirée plus difficiles que d’autres. “Maintenant je reste là, seulement pour un moment / Je n’arrive pas à réfléchir, je suis beaucoup trop fatigué / Ah ouais, on en est là ?”, se demande Casablancas dans Is This It ?

Dans le vaste corpus de ceux qui se sont demandé à quoi tient l’âme, l’identité, etc., Henri Bergson est l’un des rares, si ce n’est le seul, à identifier la fatigue psychique qui résulte de l’effort de maintenir ensemble tout ce qui constitue une personnalité, “un état d’esprit, puis un autre état d’esprit, puis un autre, et ainsi successivement, des idées, des sensations, des jugements”. Nous sommes constamment traversés d’une collection d’états et d’émotions très diverses, qui font tout autant notre système qu’ils lui tapent dessus. Conclusion : “Il est fatigant d’être une personne, comme il est très fatigant de rester droit et de marcher sur deux pieds”, note Bergson dans une conférence de 1916 sur le thème de la personnalité (“Conférence de Madrid. La personnalité”, in : Écrits philosophiques, PUF). De cet épuisement à être, le rock a fait sa source principale. Le corps plié en deux sur son micro, Casablancas l’illustrait d’une certaine façon à merveille. Tout compatissant qu’on puisse être, on se serait toutefois bien économisé l’équivalent de deux semaines de courses pour en être témoin. »

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