Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Michael Foessel. © Corentin Fohlen / Divergence

Entretien

Michaël Fœssel : “L’humanité, c’est la liberté. Point final”

Michaël Fœssel, propos recueillis par Sven Ortoli publié le 06 février 2024 17 min

Vu de France, Emmanuel Kant est, par excellence, le philosophe qui apporte les Lumières au genre humain, l’homme qui fait triompher la raison contre l’obscurantisme et l’universel contre le particulier. Sauf qu’il n’est pas seulement le héraut de la raison, mais aussi son critique. Pourquoi ? La réponse avec un spécialiste, le philosophe Michaël Fœssel qui explique en quoi le geste critique a bouleversé notre façon de penser le monde.

 

Kant, c’est l’homme de la critique, le mot-clef de son œuvre : ce mot est neuf en philosophie ?

Le mot « critique » vient très tard dans son parcours. Kant naît en 1724 et publie la Critique de la raison pure en 1781, il a pratiquement 60 ans. Au soir de sa vie, il se réveille de ce qu’il appelle son « sommeil dogmatique ». Exemple unique en philosophie, à ma connaissance, d’une si longue maturation. La critique est d’abord une autocritique : Kant avait enseigné jusqu’ici la philosophie d’inspiration leibnizienne qui dominait l’université de son époque. Une philosophie somme toute assez naïve qui considère que les progrès acquis grâce à la science newtonienne peuvent se traduire dans le champ de la philosophie. Il engage avec la Critique de la raison pure une remise en cause radicale de cette forme -d’optimisme. Il y a quelque chose d’émouvant dans cette manière de tout recommencer à zéro sur le tard et de rechercher un sol ferme pour le savoir. D’autant plus que Kant rédigera deux autres critiques en neuf ans : de 1781 à 1790, il explore la philosophie de la connaissance avec la Critique de la raison pure, la morale avec la Critique de la raison pratique, l’esthétique et la pensée du vivant avec la Critique de la faculté de juger. C’est le philosophe des recommencements permanents. Kant consacrera d’ailleurs les toutes dernières années de sa vie à établir un nouveau système de la liberté, comme s’il fallait une fois encore tout reprendre depuis le début.

“La philosophie s’identifie aujourd’hui communément à la critique des autorités en matière de savoir et de pouvoir, mais ça date précisément de Kant”

 

Cent fois sur le métier critiquez votre ouvrage... Mais que Kant critique-t-il, au fond ?

« Notre siècle est le siècle de la critique », écrit-il au -début de la Critique de la raison pure, ce qui indique qu’il est tout à fait conscient d’appartenir à la période des Lumières. Il fonde le geste critique en philosophie, ce qui, en soi, ne paraît pas très original à des oreilles contemporaines comme les nôtres. La philosophie s’identifie aujourd’hui communément à la critique des autorités établies en matière de savoir et de pouvoir mais, précisément, cela date de Kant. Il y a des prémices chez Descartes, mais c’est à Kant qu’on doit l’idée que la philosophie a pour fonction non pas de produire un savoir positif ou doctrinal sur Dieu, l’âme ou la liberté, mais de réfléchir aux conditions de possibilité d’un discours vrai sur Dieu, l’âme ou la -liberté.

Comme son étymologie l’indique, la critique -résulte d’une crise. Elle naît de ce que Kant diagnostique comme étant la crise de la métaphysique, à savoir que les discours portant sur les choses qui sont hors de l’expérience – Dieu, l’âme ou la liberté – se contredisent sans que l’on puisse les départager. Certains prétendent que l’âme est matérielle, d’autres qu’elle est immatérielle, les uns affirment et les autres nient l’existence de Dieu, etc. À partir de là, Kant identifie une crise dans les fondements du savoir. Et, pour sortir de l’arène métaphysique, ce « Kampfplatz », dit-il, où les philosophes s’opposent de manière vaine et interminable, eh bien il ne faut pas y entrer, mais réfléchir aux règles du jeu. Le geste critique consiste à interroger les conditions qui rendent les discours vrais. À quelles conditions est-il possible d’accéder à une connaissance objective ?

 

Donc c’est un examen de la raison par la raison ?

Un examen de la raison par la raison, oui, ce qui suppose évidemment, pour que la formule ne soit pas contradictoire, que le mot de raison n’ait pas le même sens dans les deux occurrences. Il s’agit d’un examen de la raison dogmatique ou « pure », celle qui prétend détenir un savoir certain sur le suprasensible, sur ce qui dépasse l’expérience. Cet examen des savoirs métaphysiques est effectué par une raison dont Kant invente l’usage, qui est la raison examinatrice. Autrement dit, c’est une raison critique qui va s’intéresser aux conditions de possibilité d’un discours vrai par le biais d’une méthode baptisée la méthode transcendantale.

 

En quoi consiste-t-elle ?

La méthode transcendantale ne cherche pas à connaître, mais interroge les conditions de possibilité de la connaissance. Par exemple, un savoir qui ne tient pas compte des conditions sensibles dans lesquels apparaissent les phénomènes (l’espace et le temps) perd toute valeur objective et scientifique. La philosophie transcendantale a d’abord pour tâche d’établir l’ensemble des conditions d’un savoir, à la fois du côté du sensible et du côté de l’entendement. Par conséquent, elle rétrocède du dit (le contenu des énoncés) au dire (leur forme). Elle remonte de ce qui est dit par la -philosophie, la métaphysique, mais par extension aussi par la science, aux facultés qui permettent de dire légitimement, de manière à produire un véritable savoir et pas une illusion de connaissance.

 

Qu’y a-t-il de nouveau par rapport au doute cartésien ?

L’illusion n’est pas, comme chez Descartes, l’illusion des sens. Kant considère que la perception sensible ne nous trompe pas, puisqu’elle n’affirme rien. Lorsque je vois du rouge, je vois du rouge. Au niveau de la sensation, il n’y a ni jugement ni affirmation. On se situe donc en deçà de la vérité et de l’erreur. Le risque survient dès qu’il y a un jugement : par exemple si je dis que tel rouge est l’essence de cette pomme. L’illusion la plus profonde, celle que Kant appelle l’illusion transcendantale, relève de la raison. Elle consiste à croire que l’on peut connaître ce qui se situe au-delà du sensible comme on connaît ce qui est dans le monde. C’est la grande thèse de Kant qui bat en brèche l’idée cartésienne selon laquelle la méthode mathématique peut être appliquée indifféremment à ce que nous pouvons voir et à ce que nous pouvons penser. Pour Kant, par exemple, il ne peut exister de démonstration de l’existence de Dieu car Dieu désigne une « chose », ou plutôt une idée, radicalement différente des objets mathématiques donnés dans l’intuition et qui sont susceptibles de démonstration.

Expresso : les parcours interactifs
Faire l’amour
Que fait-on quand on fait l'amour ? Tentons-nous de posséder une part de l'autre, ou découvrons-nous au contraire son mystère, sa capacité à nous échapper sans cesse, faisant redoubler notre désir ?
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Dialogue
16 min
Jean-Louis Chrétien, Michaël Fœssel. Dans quel sens coulent les larmes?
Martin Duru 27 avril 2016

Les pleurs accompagnent le nouveau-né lors de sa venue au monde mais que disent-ils de notre humanité ? Si Michaël Fœssel et Jean-Louis Chrétien…

Jean-Louis Chrétien, Michaël Fœssel. Dans quel sens coulent les larmes?

Article
8 min
Michaël Fœssel : une lutte sans fin contre le mal
Octave Larmagnac-Matheron 26 septembre 2023

Vengeance, justice, pardon : autant de voies pour surmonter le mal explorées ici par le philosophe Michaël Fœssel, qui met en garde contre un fantasme : celui de l’éradication totale du mal, laquelle n’irait pas sans l…


Dialogue
12 min
Virginie Efira, Michaël Fœssel. Transports en commun
Martin Legros 20 août 2019

À l’instar des personnages tourmentés qu’elle incarne à l’écran, Virginie Efira cultive la mobilité et la perméabilité des émotions qui sont pour…

Virginie Efira, Michaël Fœssel. Transports en commun

Article
9 min
Michaël Fœssel : “Les politiques ont la tentation de faire de la crise un champ d’expérimentation autoritaire”
Alexandre Lacroix 31 mars 2020

Avant de spéculer sur le monde d’après et la sagesse qui sera la nôtre après cette crise majeure… regardons avec quelle aisance et quelle…

Michaël Fœssel : “Les politiques ont la tentation de faire de la crise un champ d’expérimentation autoritaire”

Article
3 min
La critique de Michaël Fœssel. “La collapsologie ignore les rapports de forces”
Victorine de Oliveira 14 janvier 2020

Selon le philosophe Michaël Fœssel, les collapsologues, en évoquant la fin du monde, nous condamneraient à la fin de la politique. Pour lui, la perspective de l’effondrement devrait plutôt donner l’occasion de la réinventer.


Article
9 min
Michaël Fœssel: “Ricœur m’a initié au mystère du mal”
Victorine de Oliveira 10 janvier 2018

C’est avec Ricœur que Michaël Fœssel, alors âgé de 15 ans, a découvert la philosophie. Une illumination qui s’est jouée autour d’une question essentielle : l’origine du mal.


Article
6 min
Michaël Fœssel: “Le monde est ce qui nous sauve, non ce qui doit être sauvé”
Alexandre Lacroix 16 février 2017

Avant de tenter de “refaire le monde”, autant s’entendre sur ce que c’est. Le philosophe Michaël Fœssel nous livre ici une définition.


Entretien
8 min
Michael Fœssel : “La fête n’est peut-être pas tant quelque chose que l’on ‘fait’ qu’une manière d’échapper aux conduites sociales ordinaires”
Victorine de Oliveira 18 septembre 2020

Faire la fête, une utopie provisoirement enterrée par la pandémie de Covid-19 ? Si l’on retient qu’elle est avant tout une forme de dépense…

Michael Fœssel : “La fête n’est peut-être pas tant quelque chose que l’on ‘fait’ qu’une manière d’échapper aux conduites sociales ordinaires”

Article issu du Hors-série n°60 février 2024 Lire en ligne
À Lire aussi
Michaël Fœssel : "Je cherche un rapport au sommeil sans servitude"
Par Alexandre Lacroix
février 2023
L’origine du mal : Michaël Fœssel face à Susan Neiman
L’origine du mal : Michaël Fœssel face à Susan Neiman
Par Alexandre Lacroix
novembre 2023
Corrigés du bac philo – filière technologique : “La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?”
Corrigés du bac philo – filière technologique : “La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?”
Par Frédéric Manzini
juin 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. Michaël Fœssel : “L’humanité, c’est la liberté. Point final”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse