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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Virginie Efira et Michael Foessel . © Edoaurd Caupeil / Pasco - © Manuel Braun pour PM

Virginie Efira, Michaël Fœssel. Transports en commun

Virginie Efira, propos recueillis par Martin Legros publié le 20 août 2019 12 min

À l’instar des personnages tourmentés qu’elle incarne à l’écran, Virginie Efira cultive la mobilité et la perméabilité des émotions qui sont pour elle une “matière première” à façonner et un signe de vérité. De son côté, le philosophe Michaël Fœssel défend l’émotion comme ce qui nous ouvre au monde, mais s’inquiète du nouvel idéal de l’homme “imperturbable” qui s’est insinué dans la société contemporaine. Dans les pas de Diderot, ils nous font comprendre pourquoi nous avons besoin de contempler nos émotions pour les éprouver.

Virginie Efira : Quel rapport j’entretiens avec mes émotions ? Ce n’est ni un accueil en fanfare – comme si elles recelaient la vérité de mon être –, ni une méfiance de principe – comme si elles risquaient de me perdre. Mes émotions sont pour moi une information, une perception du vivant, un élan. Si je suis devenue comédienne, c’est que je voyais dans ce métier une recherche sur ce qu’est être au monde – une recherche pas purement cérébrale et qui ménage sa place à l’intuition. Aujourd’hui, j’étais en tournage toute la journée, or je dois avoir entendu vingt-huit fois le mot « émotion ». Parfois à bon escient, parfois pas. C’est notre matière première. On peut se reposer sur elles, mais on peut aussi chercher à les tordre, à les modeler pour découvrir ce qu’elles cachent.

 

Michaël Fœssel : Aujourd’hui, nous sommes incités à exprimer et à partager nos émotions. Elles nous sont présentées comme des vécus intérieurs, voire comme des expériences solitaires. Or l’émotion n’est pas seulement une information sur l’état sensible dans lequel je me trouve – joie ou tristesse –, elle témoigne de mon rapport au monde et aux autres. L’émotion ne me retranche pas en moi-même, elle m’ouvre vers l’extérieur. Ce n’est pas un sentiment privé que je devrais ensuite parvenir à exprimer publiquement, puisque je suis mis dans ce état sensible par la situation. Ce qui privatise les émotions, c’est le discours thérapeutique qui réduit nos émotions à la petite parcelle de vie intérieure que nous devrions protéger du dehors. En réalité, les émotions ont une dimension transitive et collective, que l’on retrouve au théâtre ou au cinéma, mais aussi dans la rue quand il y a des manifestations ou des révolutions. C’est ce qui fait qu’on peut ressentir le monde de manière collective.

 

V. E. : En philosophie, les émotions sont plutôt considérées avec suspicion, non ? 

 

M. F. : Une longue tradition les conçoit comme ce qui menace l’indépendance de l’esprit. Mais, dans la modernité, elles ont été réhabilitées comme une manière spécifique de nous rapporter au monde. Un philosophe que j’apprécie particulièrement, Hans Blumemberg [1920-1996], soutient que, loin d’être opposées à la raison, les émotions sont à l’origine de la rationalité. En regard des animaux, l’être humain est prématuré, il ne peut survivre par ses propres moyens avant 12 ou 13 ans. Par conséquent, il est soumis à un régime d’émotions plus grand que les autres mammifères, et c’est pour compenser cette fragilité qu’il a développé sa rationalité. La raison permet de déchiffrer les informations transmises par les émotions.

 

V. E. : Et personnellement, que faites-vous de vos émotions ?

 

M. F. : J’essaie de ne pas les prendre trop au sérieux, je m’intéresse davantage aux émotions collectives.

 

V. E. : Moi j’ai une posture de rébellion de bac à sable dès que surgit une émotion collective : j’ai toujours envie d’être en opposition. Dans le cinéma, il y a beaucoup de célébrations, et les acteurs adorent partager leurs émotions. Eh bien, j’ai souvent un élan contradictoire dans ces situations. Quand je suis censée ressentir de la fierté, je ressens de la honte ; quand tout le monde se réjouit, je m’inquiète. J’éprouve cette résistance aussi face à la collectivisation des émotions que l’actualité nous impose au jour le jour. Comme la colère ou l’indignation que nous sommes incités à partager sur les réseaux sociaux.

 

M. F. : La colère est une manière sensible de se rapporter à l’idéal. Se mettre en colère, c’est s’élever contre ce qui ne devrait pas avoir lieu, au nom d’un idéal de justice que l’on a du mal à formuler positivement. Ce qui est problématique, c’est quand cette révolte fait l’objet d’une injonction sociale. Le système médiatique nous somme de prendre position affectivement sur des choses avec lesquelles nous ne sommes pas en rapport. Certaines dérives du phénomène « Balance ton porc » allaient dans ce sens. Réagir à une violence réelle faite à une femme n’a pas grand-chose à voir avec le fait de ressasser sur Twitter une émotion caricaturale. L’émotion est « ce qui met en mouvement ». Pas étonnant qu’elle fasse l’objet de manipulations. Il n’y a rien de plus puissant que de mobiliser les gens par leurs affects. C’est le fait de l’État, des réseaux sociaux, des partis politiques, du marché. Je distinguerai donc l’émotion manipulée de l’émotion réellement éprouvée ou de l’émotion esthétique – votre matière première, comme vous dites.

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Article issu du magazine n°132 août 2019 Lire en ligne
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