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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Jean-Luc Mélenchon et Michael Foessel. ©Manuel Braun pour Philosophie magazine

Dialogue

Jean-Luc Mélenchon-Michaël Fœssel. La gauche est-elle un parti de plaisir ?

Jean-Luc Mélenchon, Michaël Fœssel, propos recueillis par Michel Eltchaninoff publié le 16 février 2022 20 min

En pleine campagne présidentielle, nous avons proposé au candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon de dialoguer avec le philosophe Michaël Fœssel, qui vient de faire paraître Quartier rouge. Le plaisir et la gauche (PUF), et de répondre à son interpellation : dans sa lutte pour l’égalité et contre l’exploitation, dans sa promotion d’une forme d’ascèse climatique et de lutte contre les privilèges de genre ou de race, la gauche a-t-elle oublié de s’appuyer sur le plaisir, imprévisible et immédiat ? Qu’est-ce qui pourrait, en somme, donner envie d’aimer la gauche ?

 

“La dimension émancipatrice du plaisir existe, notamment lorsque ce plaisir n’est pas individualiste mais partagé”
Michaël Fœssel

 

Michaël Fœssel : Je ne veux pas faire du plaisir un programme politique, mais plutôt interroger les causes du désaveu électoral actuel de la gauche et, plus largement, de la politique. Les motifs de ce désamour sont d’abord historiques. Ils proviennent des échecs du communisme et de la social-démocratie. Il me semble qu’il y a pourtant une modalité affective de ce divorce entre les partis de gauche et leur électorat. La gauche met en avant la souffrance – et l’on comprend pourquoi ! –, la dénonciation de l’injustice économique, le refus des dominations. Mais le plaisir, lui, est souvent considéré comme suspect, parce qu’il apparaît comme une compromission avec l’ordre social. Pour de nombreux esprits contestataires, le plaisir a mauvaise réputation. Plus récemment, la sobriété et la modération se sont imposées comme des impératifs de survie dans un monde qui s’effondre à cause de la crise climatique. Pourtant, ce souci écologique est aussi vécu, surtout au sein des classes populaires, comme punitif ou ascétique. Si l’écologie est une promotion du vivant, il faut se demander à quel niveau elle implique, malgré tout, la valorisation du plaisir. Le vivant n’est pas seulement une norme. Il peut devenir plus intense dans la joie. À partir d’une critique de la société de consommation, la gauche adhère également très souvent à l’idée que le capitalisme s’est à ce point généralisé, a tellement investi les corps, que nos allégresses, nos moments de fraternité heureuse et même nos plaisirs les plus ordinaires seraient suspects. Comment pourrait-on jouir dans un monde si injuste ? Or il me semble que la dimension émancipatrice du plaisir existe bien, notamment lorsque ce plaisir n’est pas individualiste mais partagé. Il s’est passé quelque chose de cet ordre avec le mouvement des « gilets jaunes ». Ces derniers se sont rassemblés sur des lieux qui les entouraient, des lieux de la tristesse sociale ordinaire, de la morosité : les ronds-points, les péages d’autoroute… Ils ont investi ces endroits pour les détourner et en faire des lieux d’allégresse et de sociabilité heureuse. Ils les ont transformés à la fois en agora, où l’on s’exprime politiquement, et en lieux de fête, où l’on organise des barbecues. Cela m’a rappelé un texte de Simone Weil à propos des grèves de 1936. Elle raconte qu’une « joie pure » a surgi sur le lieu même de la souffrance et du labeur des ouvriers, dans les usines occupées. La philosophe y a vu une victoire, avant même que les revendications salariales ne soient satisfaites. Le plaisir, on le prend là où on le trouve, même dans le champ d’un système social oppressant dont on modifie les paramètres. Cela m’a donné l’idée d’envisager l’engagement politique non seulement à partir des programmes mais aussi à partir des énergies affectives positives qui le motivent.

 

Jean-Luc Mélenchon : Pour moi, la gauche ne s’est pas effondrée parce qu’elle a négligé le plaisir, mais parce qu’elle a abandonné le peuple. La cause du divorce entre la gauche et le peuple se situe entièrement dans le contenu de son programme politique. Elle a cessé de représenter les demandes des classes populaires, du monde du travail. Elle s’est alignée sur les impératifs du capitalisme dominant. Et la social-démocratie l’a fait de plein gré ! Elle a pensé qu’elle réaliserait des prises d’avantages dans le système s’il se portait bien. Plus question, alors, de le renverser ou de vouloir le dépasser. Or ce modèle « réformiste », avec de gros guillemets, a toujours été extérieur à la tradition de la gauche française. Celle-ci naît en 1789. Son contenu révolutionnaire initial surmarque toute son histoire. Léon Blum le confirme. Et n’oublions pas que le Parti socialiste des années 1970 se disait anticapitaliste et se réclamait de Karl Marx. Malgré cela, la social-démocratie française a rompu avec son histoire, en acceptant le capitalisme financiarisé et la politique de l’offre. Elle en est morte. Quant au communisme d’État, il s’est effondré sans que ses héritiers soient capables de formuler une nouvelle idée du collectivisme. Ces logiciels dépassés doivent être remplacés. L’Avenir en commun, mon programme pour la présidentielle, est un programme de transition. Il propose de passer de la société du capitalisme financier à celle de l’harmonie entre êtres humains et avec la nature. Mais revenons à votre livre. Il touche juste sur bien des points. Il offre un effet de loupe sur des dénis de la gauche traditionnelle. Certes, il ne s’agit pas d’un parti pris conscient, mais il fonctionne comme un invariant dans les périodes con­temporaines. Tout se passe comme si cette gauche avait été prise à revers par le capitalisme sur la question du plaisir. Au départ, l’ennemi du plaisir et de sa déraison, c’était le capitalisme ! Il disait aux gens de se tenir à leur place, il dressait les corps pour les faire travailler des heures durant dans des postures douloureuses, sans aucune récompense pour leurs actes. Or il n’y a aucun plaisir à faire mécaniquement toujours le même geste ou à se faire mal tout le temps. En face, le socialisme se voulait libérateur. Il promettait l’émancipation et le plaisir de s’appartenir, notamment grâce à la culture.

 

M. F. : D’ailleurs, dans beaucoup de programmes de gauche, la question du temps libre est essentielle, intégrant donc la notion de plaisir.

“Si le plaisir est lié à la liberté de s’appartenir, sa meilleure revendication aujourd’hui est sans doute la reconquête du temps libre”
Jean-Luc Mélenchon

 

J.-L. M. : La question de la propriété du temps est historiquement le cœur du combat du mouvement ouvrier. Le capitalisme s’approprie le temps court comme temps con­traint au travail et le temps long sous la forme de la dette, d’un futur contraint. Si le plaisir est lié à la liberté de s’appartenir, sa meilleure revendication aujourd’hui est sans doute la reconquête du temps libre. Mais la nouvelle gauche ne doit pas dire aux personnes ce qu’elles doivent faire de leur temps libre ! Fais ce que tu veux ; de la peinture, occupe-toi de ta famille ou ne fais rien si tu préfères… Ce n’est pas mon affaire ! Le plaisir, dites-vous, ne peut être libre s’il est l’accomplissement d’un désir, car celui-ci sera toujours le résultat d’une injonction sociale. Pour vous, le plaisir consiste à sortir de la frénésie des désirs précommandés par la société. Pour ma part, je suis plus libertaire. On a parfaitement le droit de revendiquer : « Foutez-nous la paix ! Laissez-nous tranquilles ! Ne nous dites pas ce que nous devons faire ou ne pas faire. Donnez-nous juste le moyen d’être libres dans cette zone incertaine dont on ne sait pas très bien ce qu’on va en faire. »

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Article issu du magazine n°157 février 2022 Lire en ligne
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