Paolo D’Iorio : l'éternel retour, une hypothèse scientifique
Loin d’être une hypothèse délirante, l’éternel retour est (aussi) une théorie scientifique dans laquelle Nietzsche trouve une conception physique de l’univers qui fait la part du chaos. Le philosophe Paolo D’Iorio expose les soubassements d’une cosmologie nourrie et corroborée par les recherches de son temps.
Qu’est-ce que l’éternel retour ?
Paolo d’Iorio – Cela signifie tout simplement que cette conversation a déjà eu lieu un nombre infini de fois et qu’elle reviendra encore à l’identique pour l’éternité. Comme elle est agréable, nous en éprouvons de la joie. Évidemment, c’est moins gai pour ceux qui ne supportent pas leur existence et préféreraient que la vie ne soit qu’un mauvais quart d’heure à passer… L’éternel retour est « la pensée la plus lourde » parce qu’elle impose une intensification radicale de la vie, en bien comme en mal, sans fuite possible ni dans l’au-delà du paradis, ni dans le néant de la mort. L’amour de la vie s’accomplit dans cet anneau d’immanence pure.
Il existe pourtant d’autres interprétations… ?
Oui, par exemple la célèbre lecture qu’en fait Gilles Deleuze, qui considère l’éternel retour comme une « roue centrifuge » qui évacuerait comme par miracle le négatif. Magnifique… sauf que Nietzsche dit exactement le contraire : tout revient à l’identique, le négatif comme le positif, « chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque gémissement et tout ce qu’il y a d’indiciblement petit et grand dans ta vie devront revenir pour toi, et le tout dans le même ordre et la même succession ». Deleuze fonde son interprétation sur un unique fragment posthume où Nietzsche semblait critiquer l’hypothèse cyclique, fragment que la sœur de Nietzsche avait publié dans ce faux ouvrage qu’est La Volonté de puissance. Or, dans La Volonté de puissance, ce fragment a été défiguré par des erreurs de transcription et de traduction qui en ont changé complètement le sens. Si on le lit dans la version corrigée publiée dans l’édition critique, on constate aisément que Nietzsche dans ce texte critiquait non pas la répétition de l’identique dans le temps, mais l’hypothèse de la multiplication des univers dans l’espace soutenue par le savant allemand Johannes Gustav Vogt. Donc, ce fragment s’accorde parfaitement avec tous les autres textes de Nietzsche où, par ailleurs, il n’est jamais question ni de spirales ni d’expulser le négatif.
"Nietzsche écrit que l’éternel retour est ‘la plus scientifique de toutes les hypothèses possibles’"
D’autres interprètes ne voient dans l’éternel retour qu’une expérience de pensée : il faudrait se demander à chaque instant si l’on aimerait ou non refaire une infinité de fois ce qu’on est en train de faire, mais tout en sachant bien que cela ne reviendra jamais réellement car l’éternel retour n’aurait aucun sens du point de vue de la science ou du réel. Puisque c’est une absurdité, Nietzsche ne peut pas y croire : donc, c’est une question d’éthique ; l’éthique étant, selon ces interprètes, la volonté de se poser des fins qui contredisent ce que nous savons de la réalité... Il est difficile de concilier cette interprétation avec les textes où Nietzsche écrit que l’éternel retour est « la plus scientifique de toutes les hypothèses possibles ». Il envisageait même de partir étudier les sciences à Paris ou à Vienne pendant dix ans pour mieux revenir ensuite à la philosophie en tant que maître de l’éternel retour.
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