Pendant que j’y pense / octobre 2015

Catherine Portevin publié le 2 min

Pense à toi, fais travailler les autres, séduis, mens, enrichis-toi… » : bien des parents brûleraient, autant qu’ils les suivent eux-mêmes plus ou moins honteusement, de prodiguer ces conseils à leur progéniture pour qu’elle survive dans la violence du monde. Mais peu oseraient le faire publiquement, qui plus est dans une collection de livres sérieux consacrée à l’éducation, avec ruban autour façon « les grands textes expliqués à mon fils ». Jean-Baptiste Hennequin a osé, non sans audace, ni humour ni profondeur, fonder son manuel édifiant sur Machiavel, le moins tendre des observateurs du pouvoir : Machiavel pour mon fils (Actes Sud-Le Préau, 144 p., 14 €) en guise de « tu seras un prince, mon fils ». C’est gonflé, c’est réussi ! Ni écrivain ni philosophe, juste haut fonctionnaire brillant (et à l’occasion un brin moqueur), Jean-Baptiste Hennequin est surtout un père d’aujourd’hui, qui, malgré la solidité de ses propres repères, se sent face à l’avenir de ses enfants « tel un vieil hibou hagard au milieu d’une forêt incandescente ». Refusant la moraline d’un optimisme universel (le monde est beau si tu sais le voir, suis ton désir, choisis le bonheur, vive l’amour…) autant que l’éducation spartiate, il a finement choisi son inspirateur. Pragmatique et lucide, Machiavel, à n’en pas douter, parle aux temps troublés par une fortune qui roule comme un fleuve furieux. « Machiavel naquit les yeux ouverts », écrivait le philosophe Quentin Skinner. Ouvrir les yeux pour savoir se mouvoir dans le monde est au fond le seul conseil. Et puis, qui revient en obsession chez le bon père : « Apprendre, apprendre et apprendre encore, car […] toute certitude établie est l’apanage des imbéciles. » À bon entendeur…

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le devoir
Au quotidien, qu’est-ce que ça veut dire d’agir moralement ? Et est-ce que c’est difficile de faire son devoir ? Ces questions ne sont pas anecdotiques pour quelqu’un qui souhaite s’orienter dans l’existence. Et, coup de chance : Emmanuel Kant y a répondu. 
Sur le même sujet

Article
3 min
Cédric Enjalbert

La Semaine de la pop philosophie revient du 28 septembre au 2 octobre à Bruxelles, puis du 26 au 31 octobre 2015 à Marseille. Deux semaines…

Semaine de la pop philo, septième saison


Article
5 min
Martin Legros

Le graphiqueL’Europe et les réfugiésDans un texte de 1795 intitulé Vers la paix perpétuelle, Emmanuel Kant propose que soit reconnu le « droit pour l…

Matière à penser / octobre 2015