Au cœur de la nature blessée

Une recension de Cédric Enjalbert, publié le

Apprendre à… aimer notre environnement, même et surtout quand il est abîmé ! Comme le montre Alexandre Lacroix, cet impératif n’est pas vraiment un choix, sauf à nous complaire dans l’évocation de trésors perdus et à nous morfondre en attendant le pire. « Nous entretenons une image mentale idéalisée de la nature », écrit l’auteur et nous n’avons pas encore les moyens de penser sa nouveauté. Ce livre est donc « une tentative de mise à jour de nos catégories sensibles », mêlant à la réflexion la qualité des descriptions littéraires et la richesse des témoignages. En effet, de brefs intermèdes entre les chapitres donnent la parole à des habitants, tout autour du globe. Ils nous mènent de la Bourgogne familière de l’écrivain aux forêts primaires polonaises, en passant par les mers polynésiennes ou les plaines du Japon. Il s’agit avec eux de réformer notre regard. Comment ? En rompant avec une tradition philosophique qui fonde l’esthétique occidentale : la critique kantienne. Elle consiste en une série de distinctions qui ne tiennent plus aujourd’hui, comme l’opposition entre nature et culture, quand tout est en réalité composite, ou l’idée que nos jugements de goût n’auraient rien à voir avec la morale, alors que toutes nos perceptions en sont désormais teintées. Cette réforme demande un certain effort d’adaptation, mais « nous gagnons tout de même au change en sautant le pas, en acceptant de vivre au cœur de la nature blessée : c’est une condition pour retrouver le contact avec le réel ». Et pour agir !

Sur le même sujet

Article
13 min
Alexandre Lacroix

Les attentats du 13 novembre à Paris ont visé un quartier, autour de la place de la République, où vit notre directeur de la rédaction. Il est…

Attentats du 13 novembre 2015 à Paris: les intellectuels sur le front

Article
2 min
Ben Metcalf

Dans cet extrait des dernières pages de “Walden ou La vie dans les bois”, Henry David Thoreau explique pourquoi il a quitté sa cabane et son lac…

“Walden” commenté par Alexandre Lacroix