Frantz Fanon. Une vie en révolutions

Une recension de Frédéric Manzini, publié le

Qui était vraiment Frantz Fanon, charismatique révolutionnaire martiniquais ? Le journaliste et essayiste américain Adam Shatz signe ici une magistrale biographie qui aborde les multiples facettes de sa personnalité complexe, sans éviter les questions qui fâchent comme celle de sa misogynie supposée ou le fait que « des intellectuels de droite le considèrent comme l’un des pères fondateurs du terrorisme moderne ».  Certes, explique Shatz, Fanon « croyait au potentiel régénérateur de la violence. La lutte armée n’était pas simplement une réaction à la violence du colonialisme ; elle était, selon lui, une sorte de thérapie, capable de raviver un sentiment de puissance et de maîtrise de soi ». Mais cette justification psychologique du recours à la violence fait partie de ses multiples contradictions. Rappelant la formule de Peau noire, masques blancs, où Fanon déclare : « Je n’arrive point armé de vérités décisives », Shatz brosse le portrait d’un homme en quête de certitudes, ne cessant de se chercher. Tour à tour tenté par la phénoménologie et l’existentialisme, revendiquant le fait d’être noir tout en rejetant la mystique senghorienne de la négritude, il fut à la fois « bon vivant et ascète, […] intellectuel urbain idéalisant la paysannerie, adversaire de la France profondément nourri de ses traditions révolutionnaires jacobines et, enfin, nomade en quête perpétuelle d’une patrie ». Combattant pour la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale, Algérien de cœur auprès du FLN et enterré aux États-Unis, il a été adopté par toutes les terres d’oppression comme soldat acharné de la liberté et de la dignité humaines.

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