La Clé des champs et autres impromptus

Une recension de Frédéric Manzini, publié le

Mort d’un enfant, pandémie, euthanasie… Les thèmes abordés dans cette Clé des champs n’ont a priori rien de bucolique ni de réjouissant. Mais faites confiance à André Comte-Sponville pour ne pas verser dans une quelconque mélancolie. Contre Camus pour qui le suicide constituait le seul problème philosophique vraiment sérieux, il estime que « la vraie question est de vivre, ou plutôt (puisque vivre est moins une question qu’une réponse) de trouver comment y parvenir, si possible point trop mal, et même agréablement, voire joyeusement, lorsque c’est possible ». Et la philosophie s’avère ici précieuse grâce à la lucidité qu’elle apporte, qui nous épargne bien des illusions (tôt ou tard décevantes) et nous permet des choix libres. Du moins une certaine philosophie, à savoir celle qui vivifie et fortifie, qui fait comprendre que la mort est normale et que la finitude n’a rien d’une défaite. Aux déprimants optimistes « qui se prennent au sérieux » et qui lui « donnent vite le cafard, par trop de bonheur promis ou prétendu », Comte-Sponville préfère donc la compagnie et la lecture des pessimistes qui l’« amusent, par l’exagération, l’esprit de système, la mauvaise foi » dont ils font preuve. Tel est le paradoxe du tragique, qui, contrairement au nihilisme, donne « envie de vivre, de penser, de lutter », comme l’illustre le dernier texte de ce recueil, inédit, autobiographique et particulièrement touchant, intitulé sobrement « Maman ». Le philosophe y explique comment l’enfant grave qu’il était – parce qu’il « souffrai[t] trop de sa souffrance à elle » – a appris à refuser le mensonge, à affronter le réel et, finalement, à aimer « le goût de vivre, fût-il amer, plus que la consolation ».

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