La Danse. Philosophie du corps en mouvement

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Les philosophes ne sont pas les meilleurs danseurs du monde, et mieux vaut ne pas trop compter sur eux pour ambiancer une soirée. Parmi ceux qui font « tapisserie » alors que la plupart des convives se trémoussent sur la piste de danse, vous pouvez être sûr de croiser Alexandre Lacroix – on se permet la taquinerie, il l’avoue lui-même. Cette aisance du corps qui lui paraît chez certains innée le fascine d’autant plus qu’elle lui est inaccessible, avec sa « manie de réfléchir en toutes circonstances, même hors de propos ». S’emparer d’un sujet quand il nous paraît relever d’un mode de vie extraterrestre, c’est peut-être la meilleure façon d’en cerner le mystère. Ils sont peu, les philosophes à avoir écrit sur la danse. Il y a bien Friedrich Nietzsche, Paul Valéry ou Rachel Bespaloff, mais l’inventaire s’arrête à peu près là. Alexandre Lacroix s’aventure donc en terrain quasi vierge pour se demander : « À quoi distingue-t-on un mouvement dansé d’un mouvement normal ? » Et plus loin : « En quoi consiste le souvenir d’un mouvement ? », question plus technique, sur laquelle les neurosciences se sont davantage penchées que la philosophie. La danse a ceci de fascinant qu’elle exige une certaine maîtrise de l’espace et du temps (ou plutôt de la durée, pour parler en termes bergsoniens) et qu’elle suppose de la part du danseur à la fois un détachement complet de son corps – ce dernier devient un pur outil – et une conscience aiguë de chaque mouvement. Pour son exploration, l’auteur ne s’en tient pas à des développements théoriques mais croise l’effort de définition avec le portrait d’une étoile de l’Opéra de Paris, la danseuse d’origine argentine Ludmila Pagliero, et de nombreuses heures passées à observer des répétitions. Il en résulte un essai où se mêlent l’admiration du reporter, le récit d’une trajectoire de vie et la rigueur de l’analyse. Ce balancement à trois temps donne à son tour envie d’entrer dans la danse – quand bien même on s’y prendrait comme un manche.

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