L'avènement de la démocratie (Tome 4) - Le nouveau monde

Une recension de Martin Duru, publié le

Le titre intrigue, évoquant les grandes découvertes. Explorateur, Marcel Gauchet l’est en un sens, tant il fraye les chemins cachés de l’Histoire. Ce volume clôt son enquête au long cours sur L’Avènement de la démocratie et l’émergence de l’idée d’autonomie – ou comment les sociétés européennes ont cessé de se structurer autour de la religion pour inventer leur propre destin. Quid de ce « nouveau monde » ? Pour Gauchet, il apparaît dans le sillage du choc pétrolier de 1973 et de la crise qui s’ensuit. En une « révolution silencieuse », tout change : la mondialisation s’installe, le capitalisme mute, le néolibéralisme s’impose, l’individualisme triomphe. Vaste tableau, ponctué de concepts en « dé- » (« désimpérialisation », « détraditionnalisation »), et de thèses « poil à gratter » – ainsi lorsque Gauchet soutient que nous vivons « la fin de la guerre » ou que « l’humanité est sortie de la religion » définitivement… Sa force est de montrer que la « dominance néo­libérale » est un phénomène total, aux déclinaisons juridiques, sociologiques, médiatiques, anthropologiques. Dans la « société des individus », ceux-ci s’arc-boutent sur leurs droits et intérêts ; ils sont à la fois ultra-connectés et séparés, sans médiation collective consistante. Perte de repères et d’horizon communs : il y a bien un « malaise » dans le nouveau monde. L’autonomie achevée est en réalité « tronquée » ; de « solution », elle est devenue un « problème ». Il faut en relancer le sens et l’effort, en refondant notamment l’expérience démocratique. « L’histoire de la libération est derrière nous ; l’histoire de la liberté commence » : cap vers de nouvelles explorations.

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