Le Stupéfiant image

Une recension de Catherine Portevin, publié le

Avant d’inventer la « médiologie », Régis Debray fut et demeure un « iconolâtre heureux et fier de l’être ». C’est en hommage aux images, et à la recherche de son propre parcours avec elles (peinture, cinéma, photographie, icônes modernes en tous genres), qu’il a composé à sa manière un recueil de ses articles parus dans diverses revues et catalogues d’expositions depuis une vingtaine d’années. Dans une très fine préface, il analyse le désarroi des mots chaque fois qu’il s’agit de dire « ce qu’un tableau nous donne à sentir ». Une expérience quasi originelle, littéralement fondamentale, lui a servi de point d’appui : la visite privilégiée de la grotte Chauvet, « retrouvailles avec le Cro-Magnon qui, ne dormant que d’un œil, se réveille quand nous ouvrons les deux devant une calligraphie émergeant des abysses ». Là, écrit-il plus loin dans « Au début était l’ours », l’un des plus beaux textes de ce recueil, « règne l’image, toute palpitante de vie immédiate ». Ni représentation ni art. L’image brute, c’est-à-dire sacrée. Enfance de l’art, opium des adultes : ce « stupéfiant image », dont parlait Aragon et dont le surréalisme fit un usage « déréglé et passionnel », est un puissant sortilège et un « esperanto sensible » qui mérite bien qu’on s’y adonne. C’est aussi dans la surprise de l’accumulation que se lit l’essai de Debray, à la recherche des éclats et pépites, tel son portrait de Gérard Philipe au « physique moral ». Art du dire l’art du voir.

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